lundi 21 août 2023

le Théatre Constant, Maison 1.5





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( un retour )


Sous l'ajour de la feuille de l'olive
J'ai dressé en branchages la fourche
D'or pourpre refusé
Dehors où crépitent les cigales floues:
Tel tu me l'avais, o ma mère, à mi voix demandé.

Déplier sous la feuille la lettre de son ombre
Fut simple:
Telle la caravane des chameaux chargés
A la fois passe et demeure entre les monts bouclés
Des dunes et déjà n'est plus là qu'elle y parait
Encore et n'est pas encore là que déjà elle y est
Si bien qu'il semblerait que c'est du port lointain
D'une époque d'antan qu'elle s'en vient, passant,
Ainsi de tes regards, ma mère, dans tes yeux,
Et de toi-même en tes regards;

Tels les caravaniers, sur les selles juchés
Balancent sur la houle des chameaux,
Rien ne les guide ni leur dit qu'ils avancent
Si ce n'est d'intelligence qu'ils le savent:
Ainsi du monde et de tes yeux, ma mère, du monde et de tes yeux.

Quand cinq, les sens de la connaissance physique
S'ils n'étaient par la pâle raison corrigés
Les tromperaient et les désespéreraient,
Faillissants, abrutis par la monotonie des formes:
Ainsi du chagrin infini de tes yeux quand tu les poses sur moi,
Infini, ma mère, moi.

Voici qu'homme adulte à mon tour je suis là:
Face aux vagues des collines qui me font vague et collines:
Le large et tes lèvres se confondent en ce lieu
Que les confuses émotions de mon coeur
Imprègnent de mélancolie lasse, si belle, si lasse.
Et je lis, j'admoneste, o vélins, chrestomathies minérales,
Qui saura, de sa caresse, réinventer l'histoire
De vos signes noyés dans les couches de rien ?

Ton ventre, des guerriers l'ont porté dans le désert
Des guerriers en jupe de coton
Dévots, dévots et rageurs, dans le désert.
Mais ils jetèrent, ils jetèrent, ils ne semèrent
Pas, ils s'abreuvèrent au puit d'abandon,
Eaux noires, eaux bleues.

Doux
Grenu
         Fanions
                      étoiles
Rugueux — — —

Oublièrent.
J'admoneste et je lis
Le rail double du simple propos:
Tu l'as dit, tu ne l'as pas su, je l'ai entendu:

Le velours du bourgeon déchiqueté aux barbelés
Les pétales de la fleur le pétale le pétale de la
Fleur le pétale pétale le pétale de la —

Pardonne-moi, mon fils,
De ne pouvoir pardonner que tu ne sois que toi.
Lors se déploient sur les collines rases,
Les blêmes et les ocres et les cèdres passés.
Miroir et miroir sous la feuille
De la maison d'avant:
Provendes des froments moulés,
Menace de l'index dressé,
Vertige de la corde de pierre entre l'arc des berges,
Et la course sur le sommet du pont
La cire purulente où la muraille brûlait,
Plaies-de-muraille,
Salé de l'eau dessous la grotte,
Le sable dessous l'eau,
L'azur au fond de l'eau, mêlé au sable...

Lors j'ai poussé la torche de papier au creux
De la hutte de bois: aussitôt
De la pénombre, chariot d'or incendié
S'est répandue dans les vents cette flamme
Dont la bruine sur les visages érodées
A la fois voile et suscite le désir: 

Nous sommes ainsi, tu sais, au bord du monde,
Hommes que notre solitude réjouit:
Nous avons partagé, ma mère,
Partagé, et rompu.




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