[ il y a quelques différences avec la version définitive, mais peu. ]
3
tu es beau je te sucerai jusqu'aux étoiles
elle a dit la gitane
puis s'en est retournée dedans sa caravane
échouée sur le dos de la dune
comme Jonas dans le ventre de la baleine trois jours
a sommeillé avec les morts
nanti de sa prière comme de la lyre d'Orphée
pour ramener Eurydice sous le ciel des vivants
le soleil des voyous, des mages, des chamans
partageux des esprits
là l'homme m'attend allongé sur le lit
et je songe à cet adolescent dont je viens
saluer la beauté quand il passait pieds nus
sur la langue de la vague mourante
la vague renaissante
les pieds auréolés de crachat maritime
désœuvrée
je racle de la langue le goût amer du tabac tout au fond de ma gorge
qu'étroites sont les fenêtres de ma maison
lourdes les années à mes hanches
et l'homme ronfle sur le lit dans la chaleur de cet après midi-là
ma vie aurait pu être n'importe quoi d'autre
aussi bonne aussi vile que celle-ci
comme se noyer aux pieds de cet enfant
flottant à contre jour dans son nimbe ébloui
il serait vache duraillant
on se serait battu dans des amours salés
il n'ignore pas sa troublante beauté
qui m'a fait perdre les années
les vents sont avec lui et ma caravane échouée
un jour une heure ça suffirait
il est passé
or ça ! fait moi place gros lard
avant
avant cet avant de la muse
il y avait une fois
colloïdes d'huiles
agglomérats
des grumeaux fermentèrent
fomentèrent échangèrent
réseaux et trames
tissèrent
il y avait une fois
il n'y eut plus
il y a
les squames et les poils
les cnidocystes, les dents
rémoras sur le dos du seigneur de la mer
....et l' homme, sacculine de ses possibles
bergers des trophallaxies trébuchantes
ou hôte de l'indécision
car peut-être là, miroite, qui sait ?
en biais la splendeur des festins des visages et des masques
papier de chine nos poitrines
dans des bourrasques d'étreintes s'enflamment
nous y aimons l'écho des tambours très-lointain
dont les phrases auraient ---
( on se demande ce qu'elles auraient
ça n'a pas d'importance
elles sont là ,
elles nous brûlent
c'est tout ce qu'on demande )
homme-oiseau homme-peut-être homme-moulin
pourvu que les poitrines comme des cloches
nous affranchissent des ailes indécises
entre la tendresse et la finance
Archimède de Syracuse a contraint le soleil a brûler les voiles de la flotte
plus tard un soldat l'a empalé
sur sa dernière ardoise de poussière où s'esquissent les planètes
le général ennemi, vainqueur, a puni le soldat
il ordonne des funérailles tel qu'à un prince pour Archimède
l'odeur de la bruyère caresse les ailes des mouettes
je n'ai pas encore trouvé la loi qui régit la ronde des planètes
j'ai essayé pourtant pis j'y suis pas revenu
papillon assoupi au mitan des chimies
mes futures nervures balancées de soleil
je rêvais de savoir et d'amoureuse danse
boire à vos lèvres le savoir de vous
pulpe, tincelle, d'un insaisi air
à peine inachevé
les ailes encore engluées dans l'étoile
j'ai brûlé pour un rêve d'accès et de brandes
par-devers la nuit fraîche qui baignait les champs
contre un tison de feu faux
la guigne à celui qui s'en moque !
je me frotte
je me frippe
je m'obstine
sur la grille de la cage aux oiseaux
que portait un enfant sur son dos
Au Portugal
j'ai vu pour la première fois
des vraies tortues sauvages
les gadjos qui nous photographient le soir
à la sortie des villes nous jettent leurs sous de sale aloi
les genoux de ma soeur me poussent en avant
je suis si fatigué que je suis pas en rogne
de c'qu'ils nous croient pour des mendiants
qu'est ce qu'i se croient
voient pas la différence
souvent le soir venu j'étais amoureux
du crépuscule
du crépuscule qui danse sur les cages
fli-flif-flif fli-flif-flif-lige
mais lorsque je m'écorchais sur l'acier
j'étais pour vous la beauté palpitante
vous résumiez les joies intenses de vos étés
dans les épluchures de mes ailes saignantes
l'or et le cobalt et le lapis et la turquoise
le crépuscule d'instant en instant menuait
mais je veux encore et tant et plus
adhérent à l'écho du jusant qui sans laisse me
part est-ce un reflet les plumes des oiseaux
ou la lumière d'un lampadaire comme à chaque sortie de ville
non c'est le secret d'un secret d'un
qui ne peut pas se dire, j'ai déjà oublié —
dans les abysses avec les monstres de la nuit
mon beau feuillage est devenu tout gris
les oiseaux pépiaient, trissaient, vrousssaient, froufroutaient
l'enfant qui les portait
je ne sais pas qui c'était
les sangles blessaient ses aisselles
il était:
ffamé de sommeil
soiffé de repos
crasé d'oiseaux
il pensait:
les gadjos rogneux jalousent
les fla-flailles manivoles du jour dans la cage sur mon dos !
vivez à la galimafrée !
je suis le porteur des oiseaux !
Bucéphale ! Pégase !
je suis le porteur des oiseaux !
renvolé dans le flash d'un flash indolent,
mais trop vite pour être libéré
je le sais bien
hop moi de nuit d'émoi de bois
mirage de cage fabule tincelle sirène
aussitôt je me suis enroulé dans la houle d'une fleur de froment parfumée d'un soupçon de sapin
riez si vous voulez
et
milliers d'années ont passé avant de toucher la bifide conscience
de l'humanité pâle
puis Christophe Colomb Corto s'enfuit des démones des époques
les Erinyes ivres d'amonceler les blastes
milliers d'années ont passé et sédiments
douleurs roulées du fond des temps
avant qu'ici je sois
avec ses yeux qui s'ouvrent sur l'insondable surface
je me souviens d'une large tortue sur le rivage d'une île
quelque chose braillait vers mes oeufs
des hommes bruyants ont débarqué
je suis reparti dans l'indéterminé
c'est par quelques noms que ça a commencé
le mien d'abord, de l'Italie verdoyante du nord
celle de Florence, de Pise et de Venise
et de Florence encore je parlerai
car c'est le nom d'une enfant morte
Je me nomme Pittaluga, né au pays du Porto
En mille quatre cents dix-neuf nous sommes arrivés à Madère
En mille quatre cent trente-six, avons fondé Rio de Oro
En mille quatre cent cinquante-six avons atteint les îles du Cap-Vert
En quatre vingt deux, à Sao Jorge de Mina ( qui sera, plus tard, au Ghana )
nous, fils de Lisbonne,
avons établi avant-postes et comptoir
au nom de la couronne royale du Portugal
pour la plus grande gloire du roi
sur l'ancienne route de l'or:
les hommes bleus menaient en caravanes la poudre de l'or
via le Sahara jusqu'en Afrique du Nord:
par l'or étaient payés les échanges en Méditerranée
en particulier ceux de Rome:
nous l'avons dérouté, nous avons dérouté l'or
via l'Atlantique vers Lisbonne:
l'Italie a recommencé à décliner
le monde entier a été ébranlé
telle est l'efficience de l'audace
Puis avons déboisé Madère pour y planter le blé
et nous avons planté et commercé le précieux sucre de canne
et nous avons mené des Açores les céréales
jusqu' à Mazagao, Tanger, Ceuta,
en Afrique
Et en l'an mille quatre cent quatre vingt quatorze
de la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ
à Tordesillas avons signé avec l'Espagne un traité
" toutes les terres situées à moins de 170 lieues
à l' Ouest des Açores reviennent au Portugal "
Alors nous avons pris
Zanzibar et Ormuz, l'île de Diu
dans la mer d'Oman, en face du Gujerat,
Calicut et Malacca et puis Amboine en cinq cent douze
avons perdu:
Safi, Azemmour, Alcacer Ceguer et Arzila
et puis plus tard Amboine, Ormuz et Malacca
La cervelle et le coeur pleins de ces noms ( et d'autres aussi )
je suis parti en Espagne et d'Espagne sur la mer
dans un navire à la conquête des indes
il était un petit matelot
qui n'avait ja ja jamais navigué
qui n'avait ja ja jamais navigué
ohé ohé
ohé ohé matelot
matelot navigue sur les flots
nous avons eu bonne brise
la première chose que j'ai vue en débarquant
sur la terre inconnue
cette grosse tortue
je l'ai tué en criant de rage et de plaisir
ayaaa yaa yaaa !!!
carène animale
grand navire des terres
dont sont faites les lyres et les cithares
d'abord
j'ai étreint sa carapace oh comme j'aurais là dormi
toute la duration de sa vie
mon ventre affaissé sur ton dos mon amour
un peu pierre un peu vie
nous nous tenions par le cou
tot cels qu'amants ont us de faire
et si par vergogne font en le taire
nous le faisions pour la première fois
depuis la création du monde
rue Bellot à Paris dans le quartier de Stalingrad
j'avais vingt ans tu en avais dix-neuf
j'étais dans mon premier chez-moi
c'était pour toi le premier des chez-lui
ton corps nage encore là
il nage pour toujours, il nage, il nage
et j'y nage avec toi, Myriam, ma Cha
mes deux mains l'enlaçint là où devient folle la chair
comme crochetant le bassin d'une femme un peu maigre
de l'autre côté sur la corne j'ai fiché les deux pieds
les cuisses contre ma poitrine
de manière à ce que mon corps des mains jusqu'aux fesses
compose une courbe d'une élégance extrême:
j'exerçais une traction puissante de mes mains
mais j'ai dû enlever mes bottes glissantes
et j'ai recommencé pieds-nus
beau comme un palan
hallux en crochets: crochetés au noyau du globe:
écailles vernissées, trois arches résonnées, résonnant contra-plonge:
la butée convoquant la montée, fibres, coulisses, manchons
méplats et modelés,
orogenèse de faisceaux, de tubulures pulsées
dunes creuses éphémères
fugaces fantasmagories de rides éoliennes
creusant des interfluves à chaque creux, mes genoux:
les creusent et les soufflent et nivellent et les creusent
les effacent
jet sur jet
pulsant de rouge et d'écru vers haut d'écru d'argent et cendré
monter, se dérouler, se déplier:
o du double-pied, élancez-vous, messagers-particules !
côtes de Chine, d'Afrique, isthme du Mexique
des éclairs s'alanguissent en coupoles
molles ogives, mols relais, mols gels;
monter, monter, s'élvèrlancèrveler
hallux en crochets
et puis descendre, aller-retour:
que la tortue, la terre, que les froides galaxies
accompagnent en moi la verticalité de l'homme
avant de basculer; basculer, s'abculer
établir dos ce qui est ventre
rétablir dos au dos, l'étoile à l'étoile, ventre au ventre
comme avant la catastrophe: la création:
l'émiettement de l'anti-Démiurge
& les Femmes y sont accortes: elles ont trois seins
fécondes: & donnent de leurs seins du lait de chèvre
sont noires mais la peau plus douce que celles de nos contrées
& sont généreuses de leurs bontés
car le pacte social n'y est pas si ancien qu'il les ait tant perverti qu'à dénommer pudeur la valeur démesurée que les Femmes de chez-nous sont coutumes d'attribuer à la beauté naturelle de leur corps
aussi sont plus proches de Nature
ses plaisirs
& non dépravées
par nature
& s'enchantent facilement de babioles ou de clinquants
font oublier la laideur de leur tiers sein
& ont la particularité de prodiguer leurs caresses tant du dos que de la paume de la main
& respectent en l'homme le seigneur naturel
par ailleurs chasseresses féroces
protègent leurs petits comme tigre d'Hyrcanie
fidèles jusqu'à la mort:
estiment d'autant plus la valeur de l'époux qu'il possède de Femmes
& chevelure épaisse & sans grâce
nez épaté
lèvres ah vraiment trop gonflées
ainsi font assaut de prévenance afin de faire pardonner la part médiocre qui leur échût du Dieu qui distribue la beauté
beau, beau comme un palan, un treuil, une poulie
mon muscle long fléchisseur:
des phalanges terminales de l'hallux à l'arrière haut du péroné
capable de tracter 90 kg
passait sous la poulie-crochet du sustencalum tali
virant de dedans vers dehors au niveau du talon
et montait
montait telle la mouette dans ses pirogues d'air qui,
pivotant sur les pendules immenses de la chasse, décroche,
rémiges fartées aux flocons des cirrus,
en plongeons vertigineux chute en vrille des clefs-de-vôute célestes,
des beffrois de l'azur
du péroné au fémur: lusins et merlins de caret, bitords et grelins noués ;
du fémur à la crête interne du bassin
du bassin aux premiers anneaux inférieurs du serpent vertébral
mature hissant ses voiles, drisses étarquées:
hissant haut la nuque,
je m'élevais en figure de proue terrible et grimaçante
face à l'avenir superbe et inconnu;
phalanges crochetées à la corne
en cimier ma tignasse empêtrée de bave sèche salé
haubans et étais, paré à tous les démarrages:
l'armature: haubanée,
haubanée de tendons et de muscles dessus
la première pièce, la cinquième vertèbre:
celle qui fait charnière et tige mobile: première !
dessus le socle dense du sacrum: début de l'armature du pied
c'est l'axe vertical: arbre de vie central, central
où s'enroule pour monter sur soi-même le serpent
arbre de la conscience dans sa longue mue matérielle
assoupi dans sa galerie d'ossements
& ressemble au serpent Naja à la tête évasée
& repose à l'envers, à savoir tête-bêche
la tête du reptile
proche des organes sexuels
à mi-chemin des reins d'en haut & des reins d'en bas:
les gonades
& s'y trouve la source du vouloir & du pouvoir
de l'équilibre & de la gravité: la porte de la vie
y paissent aussi des Antilopes monocornes & faussement estimées
par les ignorants & ceux qui aiment s'abuser les nomment Licornes
& vrai que leur cri est si pur qu'on les dirait chant de Femmes
& certes je l'ai entendu, j'en témoigne
elles broutent les herbes salées des rivages
elles gîtent sur la côte, cherchant refuge contre les prédateurs qui abondent
derrière les rochers à moitié-immergés qui bordent les plages
la pente sous l'eau y est douce & insensible, si bien qu'on atteint insensiblement
les plus grandes profondeurs
& on passe ainsi de l'élément liquide à l'élément solide
sans s'en rendre compte
& elles chantent de derrière les rochers:
ce sont les fameuses Sirènes dont nous parle Ulysse
& un grand nombre de voyageurs célèbres
aussi d'innombrables Lionceaux
des Agars
quelques Basilics
quoique inoffensifs
Scytales & Cenchris
une espèce d'étranges Chevaux, au pelage circiné
Geckos
Uromastix, volontiers plat comme une Limande de terre, le corps couvert d'épines
& se nourrit d'herbes & de fruits & de racines
& des Oiseaux d'une variété de taille & de couleur telle que, consacrerait-on sa vie à en tenir registre, je crois qu'on en n'aurait pas épuisé la moitié au jour de rendre l'âme à son Créateur ! aussi est-il plus sage de s'abstenir, ce je crois & fais
& de grosses Tortues dorment sur les plages
on les croirait îles mais elles viennent là accouver
Carets Cistudes Trionyx
& aussi quelques couples de Dragons
craint des indigènes, au demeurant fort courageux
qu'on ne voit pas mais qu'on entend
ils sommeillent, selon l'opinion
parfois agités de cauchemars, ils crachent les flammes des volcans
& ont coutume d'aller leur signifier mépris
en mandant de temps en temps leurs Femmes & leurs enfants
uriner devant l'entrée de leur antre supposé
& le troisième sein des fillettes est plein & développé dès la naissance
mais stérile
mais suis d'avis qu'il ne s'agit pas de Dragons,
mais d'un monstre de l'imagination, c'est à dire hybride de la raison
comme mulet de la semence
engendré par la forte image qu'imprègne dans l'humeur
la vision épouvantable des Iguanes & des Varans
qui pullulent de l'autre-côté des terres
& sert de matrice & d'oeuf
à l'incompréhensible spectacle des bombes volcaniques
mais quoi ? me suis-je donc essoufflé ? il a fallu recommencer:
alors le Corbeau a pivoté dans la tête du Chien
mais la Chine résistait: coupe-coupe des dents le côté de Yunnan
gérer la mâchoire à coupe-couper le cordon du Corbeau
je suis Dieu moi papa papa Dieu moi papa mama: la veille: c'est la veille
la veille le soleil avait flamboyé tout le jour sur le sel
et les membrures de la vieille carcasse craquaient
sous les martèlements des clapots contre le bordé
not' bonn' coquille de noix à la poursuite de ses voiles éblouissantes
bombées et choquées
bômées, nous prenions de la bande
allongés sur le pont, moi et Gueule-de-Lièvre, durant la traversée
comptâmes les sables dans leur majorité: trois tangente de un
comme sont ailleurs les Afghans
au rayon d'ange de la Soeur
c'est l'angéologie la clef isométrique tournant le berceau d'or
ciel fascé d'azur et pairle de strates natives: le vaisseau d'or
mon royaume sera le royaume des berceaux en Tortue:
je ferai bâtir ses temples, ses villes selon le plan de la Tortue
mes polices, mes savants et mon clergé
développeront des sciences et des métaphysiques
suivant le modèle de la Tortue fondamentale
17 - 18 - 1500 je nais aujourd'hui sur la Terre nouvelle:
prématuré de moi-même et gueule de sable et vert de rouge
avec mon papa papa et pa ma papama
fistre ! je grèlinais et grayais et draillais et bittais !
hisse oh hisse étarque voir un peu cett' drisse de tête, bon sang !
hisse la petite statue de givre de mon pamapa au mat de mi-sel
et borde et tire mon grand dentelé: petite statue: petite statue
mon pa mon papè mon papère venu de l'italie:
mais Lombards et Vénitiens, pour se venger, à chaque fois que je tirais
me feront vieillir comme lui, à moins
que je retourne la Tortue:
et je tire tirais tourne tournais au vent fou: Dieu Dieu:
c'est moi Dieu au carré: vieillir n'est pas naturel;
ni Montezuma: réfugié bien vivant dans mon cul;
ils diront Makhno Mama Khno pour faire semblant:
Dieu-Dieu avait riveté la jupe-étain du firmament à la Mamelle de mon Oreille
l'Egypte se perdait dans mon sillon coronarien:
et j'étais celui de Cortés mon héros;
malgré tout ça je n'y arrivais pas: la Chine résistait, la sacré Péninsule
ciel bandé de sable et de sinople:
avec l'épart entre les cieux, contre les cieux:
la poulie folle de ma langue entre mes joues:
alors j'ai recommencé, n'ayant pourtant jamais cessé
& des Pédicules vasculo-nerveux cheminent entre les côtes:
& sont obliques en bas et en avant par rapport à l'axe
& ainsi disposées que trois éléments oblitèrent concentriquement l'espace entre chacune des côtes:
en dehors, au milieu & à l'interne:
substance musculeuse comme des Escargots dans des interstices;
au demeurant ordonnée comme enfléchures dans la voilure;
également, en chaînes bien denses, se nouent, sur les lignes de faîtes,
des colonnes d'Animaux: & déterminent les dépressions d'en-sous les Bras:
où l'eau de sous les terres affleure à l'air libre en gouttes précieuses:
plus que nacre ou perles
qu'ils ramènent de plongeons dans les grands fonds:
laissant parfois filer des bulles de poches de vessie de Porc:
sont Pectoraux grands & Pectoraux petits par devant: qui
actionnent les soufflets des forges & des orgues & les portes des cités
mais ne s'aventurent toutefois pas au-delà;
& Grand Dentelé tendu entre le Corbeau & le Bras: qui
monte & descend en plein jour au zénith;
Sous-épineux au devant: & Grand Dorsal, Petit Rond, Trapèze par derrière
arrière-garde caparaçonnée & fluide merveilleusement !
et du Sternum et de la Petite-clef
à la Saillie en forme de Mamelle derrière l'Oreille,
par derrière, par devant, et sur les cotés du cou
inspirateur secondaire et en force :
et par son insertion à la Petite-clef
rotateur et fléchisseur de la Colonne cervicale
et tout ça: et tout ça fort fort lent fort:
mon thorax comme une idée:
à chaque inspiration, ma propre respiration, ma respiration à moi, la mienne !
grandissant mon thorax, transversalement,
projetant en avant mon sternum,
accroissant sagitalement mon diamètre :
la respiration, ma respiration, mon respir, mon souffle !
et enfin l'intention la plus simple,
l'attention épurée, effilée:
enfin toute ramenée, concentrée,
dans chaque muscle, chaque fibre:
de mon corps: de moi:
de moi entier mon corps:
mon corps entier de moi, pouvoir, vouloir, fantaisie:
ayaa ! à nous deux, o tortue !
mais non et non
je suis retombé sur le dos de la tortue
vraiment j'en aurai pleuré si je n'avais été si furieusement décidé
et quelqu'un a crié " prends-la par dessous, connard !"
quelle plaisanterie ! je suis retombé
à rire cette fois à m'en rouler au sol
puis je me suis relevé
je suis passé de l'autre côté les deux pieds dans le sable
je me suis penché
j'ai saisi la carapace épaisse contre la chair
et
ayaa yaa yaaa !!!
d'un coup de reins je l'ai retourné.
( je m'y suis jeté, sur ce ventre, affalé
comme sur ce lit trop épais à Grand-Champs
où cette loute était venue contre moi à l'impro
grave godillante, chaude sur le potage, la pineguette !
pour jouer des cymbales faire bouroule ric et rac
pour avoir de la jaillance
j'hallucine mais j'assure
on s'est physiqué d'ahan et devers darrière et davant
on se tripotait on se dépotait on se barbotait on se barbouillait
j'ai heurté à sa treille, elle m'a jouté du bourdon
je l'ai passé au batte elle m'a glissé birlibi
on s'est réciproqué on l'a fait à rêvedo on l'a fait bouche à bouche
on a chevauché sucré galopé)
cela soit mon cri — ayaa yaa yaaa
- et ma devise :
D'un Coup De Rein L'ai Retourné.
Droit victorieux et haletant
j'ai, en m'essuyant, essuyé en même temps mon nom:
basta ! Pittaluga: tu fus !
ceci est advenu dans la crique d'une terre inconnue
le quinzième siècle en une de ses ultimes années
l'air était moite, était chaud, était barque chavirée
son ventre ivoirin élastique à la palpation
comme un bloc de caoutchouc d'hévéas
sa tête dans la poussière ressemblait à celle d'un autour effrayé
et dans sa jupe épaisse allait et venait comme un rêve mauvais
o Marie
mère de compassion
ne tiens pas compte de ceci ou cela
je n'ai pas d'instruction
les circonstances l'ont voulu
tu sais tu sais, toi
la pauvreté, la promiscuité, cela fait qu'on pense des choses
si tu n'étais pas là pour nous secourir
de la faute souhaitée et de la faute accomplie
je te salue Marie pleine de grâces
prends pitié de nous pauvres pêcheurs
maintenant et à l'heure de notre mort
amen
drôle de bête qui se laisse empaler sans un cri
j'ai oscillé entre le bien et le mal
ce qui témoignera pour les générations à venir
du libre arbitre de l'âme humaine
crève pauvre bête comme ça charogne blancheur en l'air
je te fais grâce
je suis une force abstraite un coup de vent une tempête
que le soleil se charge du reste
lentement anonymement qu'il te dessèche
à moins qu'il pleuve
ma lance à cet instant est tombée dans ma main
j'ai levé les mains jointes sur ma lance
et je l'ai abattu comme on fait du foulon
dont on se sert pour broyer le mil ou le sorgho
le triangle a pénétré sans résistance
j'ai été surpris
j'aurais presque recommencé pour m'assurer
l'acier a pénétré perpendiculairement
et a heurté du dur
j'ai pensé que j'avais percé jusque la carapace ou une pierre à l'intérieur
qui n'aurait pas achevé de se métamorphoser en écaille ou en griffe
les philosophes enseignent que tout ce qu'on mange
est transformé par notre âme nutritive
en notre propre substance et les chairs que l'on mange
sont changées en nos différentes chairs selon nos besoins
et que l'âme nutritive de l'homme transforme la viande de boeuf que l'homme mange
en chair d'homme, en os d'homme, en cheveux et en ongles
et que l'âme nutritive de la tortue transforme ce qu'elle mange
en chairs de tortue et en écailles de tortue
et d'autre part chacun mange aussi ce qui est déjà apte
à se transformer en ce qu'il faut
et la tortue mange des pierres
et les petites tortues mangent des cailloux
et cette grosse tortue mangeait des gros galets
mourir sans un bruit c'est plutôt de bon augure
ha ha qu'on dresse sur cet autel de chair
la sainte table l'ita missa de N. Seigneur
le soleil se couchait en saignant sur la mer
voici ton ciboire, prêtre ! j'ai dit, montrant le puit de ciel au dessus de nos têtes
nous étions dans une crique bordée de fougères mouillées et bougées
ciboire comme dans le sexe de la femme
un oiseau inconnu et orange remuait des feuillages étranges
je ne voudrais pas mourir avant d'avoir vécu de telle manière
qu'un jour vienne mais qui parle de mourir
parler mourir où les arbres et les oiseaux
la terre immobile à l'amarre de mes pieds
je m'endors épuisé dans le jusant de l'espérance
quand déjà le montant clapote et sur l'eau blanche
calme ondulent des irisations pelliculaires
filaments-sels de la sombre impatience
de lait et des bulles suaves et amères ci et là ploquent
la mer bleue d'un coup blanchoie
l'herbe inverse plantée dans le ciel argenté
je m'éveille soudain en sursaut de ma veille
bondis tout armé, vociférant et furieux dans le boulevard des rêves
la tête endormie sur le ventre de ma première victime
un papillon, je crois, s'est venu reposer contre moi
rhombe vrrrourhombe
rhombe vrrrourhombe
- criss dé criss bobonne ffchch
ferme-là cett' èrdeau d'fenêt'rrrr
'fin sang d'bon sang
qu'ça pisse rader rrrooorhâa
sar ma néchine de sel
-crase tché pfionce pionce mon r'graillon
gras mon chéri dors
dors