samedi 27 mai 2023

Théatre Constant, Maison 1.3

[ il y a quelques différences avec la version définitive, mais peu. ]



3



tu es beau je te sucerai jusqu'aux étoiles

elle a dit la gitane

puis s'en est retournée dedans sa caravane

échouée sur le dos de la dune


comme Jonas dans le ventre de la baleine trois jours

a sommeillé avec les morts

nanti de sa prière comme de la lyre d'Orphée

pour ramener Eurydice sous le ciel des vivants

le soleil des voyous, des mages, des chamans

partageux des esprits


là l'homme m'attend allongé sur le lit

et je songe à cet adolescent dont je viens

saluer la beauté quand il passait pieds nus

sur la langue de la vague mourante

la vague renaissante

les pieds auréolés de crachat maritime


désœuvrée

je racle de la langue le goût amer du tabac tout au fond de ma gorge

qu'étroites sont les fenêtres de ma maison

lourdes les années à mes hanches

et l'homme ronfle sur le lit dans la chaleur de cet après midi-là

 

ma vie aurait pu être n'importe quoi d'autre

aussi bonne aussi vile que celle-ci

 

comme se noyer aux pieds de cet enfant

flottant à contre jour dans son nimbe ébloui

il serait vache duraillant

on se serait battu dans des amours salés

il n'ignore pas sa troublante beauté

qui m'a fait perdre les années

les vents sont avec lui et ma caravane échouée

 

un jour une heure ça suffirait

il est passé

or ça ! fait moi place gros lard


avant

avant cet avant de la muse

il y avait une fois

   colloïdes d'huiles

   agglomérats

des grumeaux fermentèrent

fomentèrent échangèrent

   réseaux et trames

tissèrent

il y avait une fois

il n'y eut plus

il y a

les squames et les poils

les cnidocystes, les dents

rémoras sur le dos du seigneur de la mer

 

....et l' homme, sacculine de ses possibles

bergers des trophallaxies trébuchantes

ou hôte de l'indécision

car peut-être là, miroite, qui sait ?

en biais la splendeur des festins des visages et des masques

 

papier de chine nos poitrines

dans des bourrasques d'étreintes s'enflamment

nous y aimons l'écho des tambours très-lointain

dont les phrases auraient ---

 

( on se demande ce qu'elles auraient

ça n'a pas d'importance

elles sont là ,

elles nous brûlent

c'est tout ce qu'on demande )

 

homme-oiseau homme-peut-être homme-moulin

pourvu que les poitrines comme des cloches

nous affranchissent des ailes indécises

entre la tendresse et la finance

 

Archimède de Syracuse a contraint le soleil a brûler les voiles de la flotte

plus tard un soldat l'a empalé

sur sa dernière ardoise de poussière où s'esquissent les planètes

le général ennemi, vainqueur, a puni le soldat

il ordonne des funérailles tel qu'à un prince pour Archimède

 

l'odeur de la bruyère caresse les ailes des mouettes

je n'ai pas encore trouvé la loi qui régit la ronde des planètes

 

j'ai essayé pourtant pis j'y suis pas revenu

 

papillon  assoupi au mitan des chimies

mes futures nervures balancées de soleil

je rêvais de savoir et d'amoureuse danse

boire à vos lèvres le savoir de vous

pulpe, tincelle, d'un insaisi air

 

à peine inachevé

les ailes encore engluées dans l'étoile

j'ai brûlé pour un rêve d'accès et de brandes

par-devers la nuit fraîche qui baignait les champs

contre un tison de feu faux

 

la guigne à celui qui s'en moque !

je me frotte

je me frippe

je m'obstine

sur la grille de la cage aux oiseaux

que portait un enfant sur son dos


Au Portugal

j'ai vu pour la première fois

des vraies tortues sauvages


les gadjos qui nous photographient le soir

à la sortie des villes nous jettent leurs sous de sale aloi

les genoux de ma soeur me poussent en avant

je suis si fatigué que je suis pas en rogne

de c'qu'ils nous croient pour des mendiants

qu'est ce qu'i se croient

voient pas la différence


souvent le soir venu j'étais amoureux

du crépuscule

du crépuscule qui danse sur les cages


fli-flif-flif    fli-flif-flif-lige


mais lorsque je m'écorchais sur l'acier

j'étais pour vous la beauté palpitante

vous résumiez les joies intenses de vos étés

dans les épluchures de mes ailes saignantes

l'or et le cobalt et le lapis et la turquoise


le crépuscule d'instant en instant menuait

mais je veux encore et tant et plus

adhérent à l'écho du jusant qui sans laisse me


part     est-ce un reflet les plumes des oiseaux

ou la lumière d'un lampadaire comme à chaque sortie de ville

non     c'est le secret d'un secret d'un

qui ne peut pas se dire, j'ai déjà oublié —

 

dans les abysses avec les monstres de la nuit

mon beau feuillage est devenu tout gris


les oiseaux pépiaient, trissaient, vrousssaient, froufroutaient

l'enfant qui les portait

je ne sais pas qui c'était

les sangles blessaient ses aisselles


il était:

ffamé de sommeil

soiffé de repos

crasé d'oiseaux


il pensait:

   les gadjos rogneux jalousent

   les fla-flailles manivoles du jour dans la cage sur mon dos !

   vivez à la galimafrée !

   je suis le porteur des oiseaux !

   Bucéphale ! Pégase !

   je suis le porteur des oiseaux !


renvolé dans le flash d'un flash indolent,

mais trop vite pour être libéré

je le sais bien

hop moi de nuit d'émoi de bois

mirage de cage fabule tincelle sirène

aussitôt je me suis enroulé dans la houle d'une fleur de froment parfumée d'un soupçon de sapin

riez si vous voulez


et

milliers d'années ont passé avant de toucher la bifide conscience

de l'humanité pâle

puis Christophe Colomb Corto s'enfuit des démones des époques

les Erinyes ivres d'amonceler les blastes

milliers d'années ont passé et sédiments

douleurs roulées du fond des temps

avant qu'ici je sois

avec ses yeux qui s'ouvrent sur l'insondable surface

je me souviens d'une large tortue sur le rivage d'une île

quelque chose braillait vers mes oeufs

des hommes bruyants ont débarqué

je suis reparti dans l'indéterminé


c'est par quelques noms que ça a commencé

le mien d'abord, de l'Italie verdoyante du nord

celle de Florence, de Pise et de Venise

et de Florence encore je parlerai

car c'est le nom d'une enfant morte


Je me nomme Pittaluga, né au pays du Porto

En mille quatre cents dix-neuf nous sommes arrivés à Madère

En mille quatre cent trente-six, avons fondé Rio de Oro

En mille quatre cent cinquante-six avons atteint les îles du Cap-Vert

En quatre vingt deux, à Sao Jorge de Mina ( qui sera, plus tard, au Ghana )

nous, fils de Lisbonne,

avons établi avant-postes et comptoir

au nom de la couronne royale du Portugal

pour la plus grande gloire du roi

sur l'ancienne route de l'or:

les hommes bleus menaient en caravanes la poudre de l'or

via le Sahara jusqu'en Afrique du Nord:

par l'or étaient payés les échanges en Méditerranée

en particulier ceux de Rome:

nous l'avons dérouté, nous avons dérouté l'or

via l'Atlantique vers Lisbonne:

l'Italie a recommencé à décliner

le monde entier a été ébranlé

telle est l'efficience de l'audace

 

Puis avons déboisé Madère pour y planter le blé

et nous avons planté et commercé le précieux sucre de canne

et nous avons mené des Açores les céréales

jusqu' à Mazagao, Tanger, Ceuta,

en Afrique

 

Et en l'an mille quatre cent quatre vingt quatorze

de la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ

à Tordesillas avons signé avec l'Espagne un traité

" toutes les terres situées à moins de 170 lieues

à l' Ouest des Açores reviennent au Portugal "

Alors nous avons pris

Zanzibar et Ormuz, l'île de Diu

dans la mer d'Oman, en face du Gujerat,

Calicut et Malacca et puis Amboine en cinq cent douze

 

avons perdu:

Safi, Azemmour,  Alcacer Ceguer et Arzila

et puis plus tard Amboine, Ormuz et Malacca


La cervelle et le coeur pleins de ces noms ( et d'autres aussi )

je suis parti en Espagne et d'Espagne sur la mer

dans un navire à la conquête des indes

il était un petit matelot

qui n'avait ja ja jamais navigué

qui n'avait ja ja jamais navigué

ohé ohé

ohé ohé matelot

matelot navigue sur les flots

nous avons eu bonne brise

 

la première chose que j'ai vue en débarquant

sur la terre inconnue

cette grosse tortue

je l'ai tué en criant de rage et de plaisir


ayaaa yaa yaaa !!!


carène animale

grand navire des terres

dont sont faites les lyres et les cithares


d'abord

j'ai étreint sa carapace oh comme j'aurais là dormi

toute la duration de sa vie

mon ventre affaissé sur ton dos mon amour

un peu pierre un peu vie

nous nous tenions par le cou

tot cels qu'amants ont us de faire

et si par vergogne font en le taire

nous le faisions pour la première fois

depuis la création du monde

rue Bellot à Paris dans le quartier de Stalingrad

j'avais vingt ans tu en avais dix-neuf

j'étais dans mon premier chez-moi

c'était pour toi le premier des chez-lui

ton corps nage encore là

il nage pour toujours, il nage, il nage

et j'y nage avec toi, Myriam, ma Cha


mes deux mains l'enlaçint là où devient folle la chair

comme crochetant le bassin d'une femme un peu maigre

de l'autre côté sur la corne j'ai fiché les deux pieds

les cuisses contre ma poitrine

de manière à ce que mon corps des mains jusqu'aux fesses

compose une courbe d'une élégance extrême:

j'exerçais une traction puissante de mes mains

mais j'ai dû enlever mes bottes glissantes

et j'ai recommencé pieds-nus

beau comme un palan


hallux en crochets: crochetés au noyau du globe:

écailles vernissées, trois arches résonnées, résonnant contra-plonge:

la butée convoquant la montée, fibres, coulisses, manchons

méplats et modelés,

orogenèse de faisceaux, de tubulures pulsées

dunes creuses éphémères

fugaces fantasmagories de rides éoliennes

creusant des interfluves à chaque creux, mes genoux:

les creusent et les soufflent et nivellent et les creusent

les effacent


jet sur jet

pulsant de rouge et d'écru vers haut d'écru d'argent et cendré

monter, se dérouler, se déplier:

o du double-pied, élancez-vous, messagers-particules !

côtes de Chine, d'Afrique, isthme du Mexique

des éclairs s'alanguissent en coupoles

molles ogives, mols relais, mols gels;

monter, monter, s'élvèrlancèrveler

hallux en crochets

et puis descendre, aller-retour:

que la tortue, la terre, que les froides galaxies

accompagnent en moi la verticalité de l'homme

avant de basculer; basculer, s'abculer

établir dos ce qui est ventre

rétablir dos au dos, l'étoile à l'étoile, ventre au ventre

comme avant la catastrophe: la création:

l'émiettement de l'anti-Démiurge


& les Femmes y sont accortes: elles ont trois seins

fécondes: & donnent de leurs seins du lait de chèvre

sont noires mais la peau plus douce que celles de nos contrées

& sont généreuses de leurs bontés

car le pacte social n'y est pas si ancien qu'il les ait tant perverti qu'à dénommer pudeur la valeur démesurée que les Femmes de chez-nous sont coutumes d'attribuer à la beauté naturelle de leur corps

aussi sont plus proches de Nature

ses plaisirs

& non dépravées

par nature

& s'enchantent facilement de babioles ou de clinquants

font oublier la laideur de leur tiers sein

& ont la particularité de prodiguer leurs caresses tant du dos que de la paume de la main

& respectent en l'homme le seigneur naturel

par ailleurs chasseresses féroces

protègent leurs petits comme tigre d'Hyrcanie

fidèles jusqu'à la mort:

estiment d'autant plus la valeur de l'époux qu'il possède de Femmes

& chevelure épaisse & sans grâce

nez épaté

lèvres ah vraiment trop gonflées

ainsi font assaut de prévenance afin de faire pardonner la part médiocre qui leur échût du Dieu qui distribue la beauté


beau, beau comme un palan, un treuil, une poulie

mon muscle long fléchisseur:

des phalanges terminales de l'hallux à l'arrière haut du péroné

capable de tracter 90 kg

passait sous la poulie-crochet du sustencalum tali

virant de dedans vers dehors au niveau du talon

et montait

montait telle la mouette dans ses pirogues d'air qui,

pivotant sur les pendules immenses de la chasse, décroche,

rémiges fartées aux flocons des cirrus,

en plongeons vertigineux chute en vrille des clefs-de-vôute célestes,

des beffrois de l'azur


du péroné au fémur: lusins et merlins de caret, bitords et grelins noués ;

du fémur à la crête interne du bassin

du bassin aux premiers anneaux inférieurs du serpent vertébral

mature hissant ses voiles, drisses étarquées:

hissant haut la nuque,

je m'élevais en figure de proue terrible et grimaçante

face à l'avenir superbe et inconnu;

phalanges crochetées à la corne

en cimier ma tignasse empêtrée de bave sèche salé

haubans et étais, paré à tous les démarrages:

l'armature: haubanée,

haubanée de tendons et de muscles dessus


la première pièce, la cinquième vertèbre:

celle qui fait charnière et tige mobile: première !

dessus le socle dense du sacrum: début de l'armature du pied

c'est l'axe vertical: arbre de vie central, central

où s'enroule pour monter sur soi-même le serpent

arbre de la conscience dans sa longue mue matérielle

assoupi dans sa galerie d'ossements

& ressemble au serpent Naja à la tête évasée

& repose à l'envers, à savoir tête-bêche

la tête du reptile

proche des organes sexuels

à mi-chemin des reins d'en haut & des reins d'en bas:

les gonades

& s'y trouve la source du vouloir & du pouvoir

de l'équilibre & de la gravité: la porte de la vie

y paissent aussi des Antilopes monocornes & faussement estimées

par les ignorants & ceux qui aiment s'abuser les nomment Licornes

& vrai que leur cri est si pur qu'on  les dirait chant de Femmes

& certes je l'ai entendu, j'en témoigne

elles broutent les herbes salées des rivages

elles gîtent sur la côte, cherchant refuge contre les prédateurs qui abondent

derrière les rochers à moitié-immergés qui bordent les plages

la pente sous l'eau y est douce & insensible, si bien qu'on atteint insensiblement

les plus grandes profondeurs

& on passe ainsi de l'élément liquide à l'élément solide

sans s'en rendre compte

& elles chantent de derrière les rochers:

ce sont les fameuses Sirènes dont nous parle Ulysse

& un grand nombre de voyageurs célèbres


aussi d'innombrables Lionceaux

des Agars

quelques Basilics

quoique inoffensifs

Scytales & Cenchris

une espèce d'étranges Chevaux, au pelage circiné

Geckos

Uromastix, volontiers plat comme une Limande de terre, le corps couvert d'épines

& se nourrit d'herbes & de fruits & de racines

& des Oiseaux d'une variété de taille & de couleur telle que, consacrerait-on sa vie à en tenir registre, je crois qu'on en n'aurait pas épuisé la moitié au jour de rendre l'âme à son Créateur ! aussi est-il plus sage de s'abstenir, ce je crois & fais


& de grosses Tortues dorment sur les plages

on les croirait îles mais elles viennent là accouver

Carets Cistudes Trionyx

& aussi quelques couples de Dragons

craint des indigènes, au demeurant fort courageux

qu'on ne voit pas mais qu'on entend

ils sommeillent, selon l'opinion

parfois agités de cauchemars, ils crachent les flammes des volcans

& ont coutume d'aller leur signifier mépris

en mandant de temps en temps leurs Femmes & leurs enfants

uriner devant l'entrée de leur antre supposé

& le troisième sein des fillettes est plein & développé dès la naissance

mais stérile

mais suis d'avis qu'il ne s'agit pas de Dragons,

mais d'un monstre de l'imagination, c'est à dire hybride de la raison

comme mulet de la semence

engendré par la forte image qu'imprègne dans l'humeur

la vision épouvantable des Iguanes & des Varans

qui pullulent de l'autre-côté des terres

& sert de matrice & d'oeuf

à l'incompréhensible spectacle des bombes volcaniques


mais quoi ? me suis-je donc essoufflé ? il a fallu recommencer:

alors le Corbeau a pivoté dans la tête du Chien

mais la Chine résistait: coupe-coupe des dents le côté de Yunnan

gérer la mâchoire à coupe-couper le cordon du Corbeau

je suis Dieu moi papa papa Dieu moi papa mama: la veille: c'est la veille

la veille le soleil avait flamboyé tout le jour sur le sel

et les membrures de la vieille carcasse craquaient

sous les martèlements des clapots contre le bordé

not' bonn' coquille de noix à la poursuite de ses voiles éblouissantes

bombées et choquées

bômées, nous prenions de la bande

allongés sur le pont, moi et Gueule-de-Lièvre, durant la traversée

comptâmes les sables dans leur majorité: trois tangente de un

comme sont ailleurs les Afghans

au rayon d'ange de la Soeur

c'est l'angéologie la clef isométrique tournant le berceau d'or

ciel fascé d'azur et pairle de strates natives: le vaisseau d'or


mon royaume sera le royaume des berceaux en Tortue:

je ferai bâtir ses temples, ses villes selon le plan de la Tortue

mes polices, mes savants et mon clergé

développeront des sciences et des métaphysiques

suivant le modèle de la Tortue fondamentale


17 - 18 - 1500 je nais aujourd'hui sur la Terre nouvelle:

prématuré de moi-même et gueule de sable et vert de rouge

avec mon papa papa et pa ma papama

fistre ! je grèlinais et grayais et draillais et bittais !

hisse oh hisse étarque voir un peu cett' drisse de tête, bon sang !

hisse la petite statue de givre de mon pamapa au mat de mi-sel

et borde et tire mon grand dentelé: petite statue: petite statue

mon pa mon papè mon papère venu de l'italie:

mais Lombards et Vénitiens, pour se venger, à chaque fois que je tirais

me feront vieillir comme lui, à moins

que je retourne la Tortue:

et je tire tirais tourne tournais au vent fou: Dieu Dieu:

c'est moi Dieu au carré: vieillir n'est pas naturel;

ni Montezuma: réfugié bien vivant dans mon cul;

ils diront Makhno Mama Khno pour faire semblant:

Dieu-Dieu avait riveté la jupe-étain du firmament à la Mamelle de mon Oreille

l'Egypte se perdait dans mon sillon coronarien:

et j'étais celui de Cortés mon héros;

malgré tout ça je n'y arrivais pas: la Chine résistait, la sacré Péninsule

ciel bandé de sable et de sinople:

avec l'épart entre les cieux, contre les cieux:

la poulie folle de ma langue entre mes joues:

alors j'ai recommencé, n'ayant pourtant jamais cessé


& des Pédicules vasculo-nerveux cheminent entre les côtes:

& sont obliques en bas et en avant par rapport à l'axe

& ainsi disposées que trois éléments oblitèrent concentriquement l'espace entre chacune des côtes:

en dehors, au milieu & à l'interne:

substance musculeuse comme des Escargots dans des interstices;

au demeurant ordonnée comme enfléchures dans la voilure;

également, en chaînes bien denses, se nouent, sur les lignes de faîtes,

des colonnes d'Animaux: & déterminent les dépressions d'en-sous les Bras:

où l'eau de sous les terres affleure à l'air libre en gouttes précieuses:

plus que nacre ou perles

qu'ils ramènent de plongeons dans les grands fonds:

laissant parfois filer des bulles de poches de vessie de Porc:

sont Pectoraux grands & Pectoraux petits par devant: qui

actionnent les soufflets des forges & des orgues & les portes des cités

mais ne s'aventurent toutefois pas au-delà;

& Grand Dentelé tendu entre le Corbeau & le Bras: qui

monte & descend en plein jour au zénith;

Sous-épineux au devant: & Grand Dorsal, Petit Rond, Trapèze par derrière

arrière-garde caparaçonnée & fluide merveilleusement !


et du Sternum et de la Petite-clef

à la Saillie en forme de Mamelle derrière l'Oreille,

par derrière, par devant, et sur les cotés du cou

inspirateur secondaire et en force :

et par son insertion à la Petite-clef

rotateur et fléchisseur de la Colonne cervicale


et tout ça: et tout ça fort fort lent fort:

mon thorax comme une idée:

à chaque inspiration, ma propre respiration, ma respiration à moi, la mienne !

grandissant mon thorax, transversalement,

projetant en avant mon sternum,

accroissant sagitalement mon diamètre :

la respiration, ma respiration, mon respir, mon souffle !

et enfin l'intention la plus simple,

l'attention épurée, effilée:

enfin toute ramenée, concentrée,

dans chaque muscle, chaque fibre:

de mon corps: de moi:

de moi entier mon corps:

mon corps entier de moi, pouvoir, vouloir, fantaisie:

ayaa ! à nous deux, o tortue !


mais non et non

je suis retombé sur le dos de la tortue

vraiment j'en aurai pleuré si je n'avais été si furieusement décidé

et quelqu'un a crié " prends-la par dessous, connard !"

quelle plaisanterie ! je suis retombé

à rire cette fois à m'en rouler au sol

puis je me suis relevé

je suis passé de l'autre côté les deux pieds dans le sable

je me suis penché

j'ai saisi la carapace épaisse contre la chair

et


ayaa yaa yaaa !!!


d'un coup de reins je l'ai retourné.


( je m'y suis jeté, sur ce ventre, affalé

comme sur ce lit trop épais à Grand-Champs

où cette loute était venue contre moi à l'impro

grave godillante, chaude sur le potage, la pineguette !

pour jouer des cymbales faire bouroule ric et rac

pour avoir de la jaillance

j'hallucine mais j'assure

on s'est physiqué d'ahan et devers darrière et davant

on se tripotait on se dépotait on se barbotait on se barbouillait

j'ai heurté à sa treille, elle m'a jouté du bourdon

je l'ai passé au batte elle m'a glissé birlibi

on s'est réciproqué on l'a fait à rêvedo on l'a fait bouche à bouche

on a chevauché sucré galopé)


cela soit mon cri — ayaa yaa yaaa

- et ma devise :

D'un Coup De Rein L'ai Retourné.

Droit victorieux et haletant

j'ai, en m'essuyant, essuyé en même temps mon nom:

basta ! Pittaluga: tu fus !


ceci est advenu dans la crique d'une terre inconnue

le quinzième siècle en une de ses ultimes années

l'air était moite, était chaud, était barque chavirée

son ventre ivoirin élastique à la palpation

comme un bloc de caoutchouc d'hévéas

sa tête dans la poussière ressemblait à celle d'un autour effrayé

et dans sa jupe épaisse allait et venait comme un rêve mauvais


o Marie

mère de compassion

ne tiens pas compte de ceci ou cela

je n'ai pas d'instruction

les circonstances l'ont voulu

tu sais tu sais, toi

la pauvreté, la promiscuité, cela fait qu'on pense des choses

si tu n'étais pas là pour nous secourir

de la faute souhaitée et de la faute accomplie

je te salue Marie pleine de grâces

prends pitié de nous pauvres pêcheurs

maintenant et à l'heure de notre mort

amen


drôle de bête qui se laisse empaler sans un cri

j'ai oscillé entre le bien et le mal

ce qui témoignera pour les générations à venir

du libre arbitre de l'âme humaine

crève pauvre bête comme ça charogne blancheur en l'air

je te fais grâce

je suis une force abstraite un coup de vent une tempête

que le soleil se charge du reste

lentement anonymement qu'il te dessèche

à moins qu'il pleuve


ma lance à cet instant est tombée dans ma main

j'ai levé les mains jointes sur ma lance

et je l'ai abattu comme on fait du foulon

dont on se sert pour broyer le mil ou le sorgho

le triangle a pénétré sans résistance

j'ai été surpris

j'aurais presque recommencé pour m'assurer

l'acier a pénétré perpendiculairement

et a heurté du dur


j'ai pensé que j'avais percé jusque la carapace ou une pierre à l'intérieur

qui n'aurait pas achevé de se métamorphoser en écaille ou en griffe


les philosophes enseignent que tout ce qu'on mange

est transformé par notre âme nutritive

en notre propre substance et les chairs que l'on mange

sont changées en nos différentes chairs selon nos besoins

et que l'âme nutritive de l'homme transforme la viande de boeuf que l'homme mange

en chair d'homme, en os d'homme, en cheveux et en ongles

et que l'âme nutritive de la tortue transforme ce qu'elle mange

en chairs de tortue et en écailles de tortue

et d'autre part chacun mange aussi ce qui est déjà apte

à se transformer en ce qu'il faut

et la tortue mange des pierres

et les petites tortues mangent des cailloux

et cette grosse tortue mangeait des gros galets


mourir sans un bruit c'est plutôt de bon augure

ha ha qu'on dresse sur cet autel de chair

la sainte table l'ita missa de N. Seigneur

le soleil se couchait en saignant sur la mer

voici ton ciboire, prêtre ! j'ai dit, montrant le puit de ciel au dessus de nos têtes

nous étions dans une crique bordée de fougères mouillées et bougées

ciboire comme dans le sexe de la femme

un oiseau inconnu et orange remuait des feuillages étranges


je ne voudrais pas mourir avant d'avoir vécu de telle manière

qu'un jour vienne mais qui parle de mourir

parler mourir où les arbres et les oiseaux

la terre immobile à l'amarre de mes pieds

je m'endors épuisé dans le jusant de l'espérance

quand déjà le montant clapote et sur l'eau blanche

calme ondulent des irisations pelliculaires

filaments-sels de la sombre impatience

de lait et des bulles suaves et amères ci et là ploquent

la mer bleue d'un coup blanchoie

l'herbe inverse plantée dans le ciel argenté

je m'éveille soudain en sursaut de ma veille

bondis tout armé, vociférant et furieux dans le boulevard des rêves

la tête endormie sur le ventre de ma première victime


un papillon, je crois, s'est venu reposer contre moi

rhombe vrrrourhombe


rhombe vrrrourhombe

- criss dé criss bobonne ffchch

ferme-là cett' èrdeau d'fenêt'rrrr

'fin sang d'bon sang

qu'ça pisse rader rrrooorhâa

sar ma néchine de sel

-crase tché pfionce pionce mon r'graillon

gras mon chéri dors

dors

 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire