mercredi 12 avril 2023

Théatre Constant, Maison 1.2

 Théatre Constant, Maison 1.2 : le Promeneur en temps de guerre

 ( Le 1.1 se trouve ici, sur ce blog même : https://feudesouffles.blogspot.com/2023/04/theatre-constant-maison-11.html

Cette partie a été publiée dans la Revue du Bréchet, numéro 1 " Chaos & Fortunes " , en compagnie de toutes sortes d'autres textes. Il en reste, et vous pouvez l'acheter - c'est beaucoup mieux qu'ici, et entre autre il y a des "didascalies" dans le texte, qui n'y sont pas pour rien. ) 

Pour acheter Chaos & Fortunes, c'est par ici : https://editionslebrechet.blogspot.com/p/revue.html  )

 .

.

 

2



Abattrions-nous toutes les bâtisses de l'Egypte que les décombres en feraient encore une

je mène la mienne en tout lieu avec moi je ne suis pas tel que croient ceux qui

pour m’avoir vu passant et peut-être penser m'eussent mêlé à leurs songes de voyages

d'habitude en mon fors sans mouvement dépourvu d'ambition

je suis tantôt comme un caillou sur lequel le temps les siècles passent

sans plus d'effet que radoucir les aigus des angles

tantôt comme un village de vieilleries hameau que la flamme vive des âtres des hommes a [parti

et qui se ruine où errent et rôdent des traces molles la chanson mélancolique des insectes

je porte avec moi comme l’escargot sa coquille ou la tortue sa carapace en tout lieu mon [égypte éternelle mourante et ancienne

l’égypte des tombeaux et l’égypte des fresques

et par cela je crois bien être semblable à ceux-là qui me voient

et qui me croient mobile et dégagé d’esprit comme ils voient que mobiles sont mes organes [locomotifs et exercés mes bras à scander la marche

et qui parce qu’ils identifient la servitude avec la limitation imposée

à leurs déplacements citadins

et que de l’amertume qu’ils sentent peser dans leur âme

ils n’accusent que l’ineptie et la cruauté des travaux qu’ils sont forcés de faire pour gagner [leur pitance et leur toit quotidien

ils en viennent bien trop légèrement à supposer que l’homme qui passe sur la routeest dégagé de ces maux qui les affligent et de tout autre

tandis que lui qui passe devant les portes des jardinets d’où ils le voient

éprouve plus encore ce qui le cloue et le conglue de l’intérieur

son intime égypte des tombeaux et des fresques


à qui s'adresse les fresques des profils ?

à qui.

à toi,

Qui,

s'adresse

du quatrième mur

la fresque des profils.

eux-mêmes face-à-dos se voient.

quand bien même bouche à bouche, nez à nez, front à front, anse à anse,

c'est de même du lieu immobile où s'achève la ligne

et ceci en chacun de ses points: voués au terme, où coïncident l'horizon

et l'ici, la fuite et la pétrification, ils ignorent l'espace et le volume.

Et quand bien même fileraient-ils avec une comète dans l'univers,

ils n'en sauraient ni les vents ni les inerties.

Et cependant, eux comme nous - car c'est en chacun de nous désormais qu'ils résident,


enflamment la poudre pour détacher les blocs:

oeil d'oeil, kératine entre les yeux.

veines de joie, de peine, pile ou face. Pile, face.

n'en finissent pas de scruter les miroirs.

n'en finissent pas de sucer la feuille, lécher le foutre.

divers liquides psychologiques.

déclinent les généalogies qui les font rois.

se font signe de tout, juste avant de suinter, au moment de glisser.

une chanson entortillée à la glande

la chanson d'une racine à la glande amygdale.


ils se décrivent l'Histoire qu'ils ignorent: mais même ainsi

écouteraient-ils, qu'entendraient-ils si n'était la lumière qui fait affront

la brise méditerranéenne qui sculpter à l'interne des êtres de marbre,

en lisse, statues dont les pieds foulent le thym ?


aussi te cherchent-ils, comme on te flaire, Qui,

dans les hommes des récits

quand leurs yeux sont rivés à ne lire que la face ou la nuque:

il est vrai que creux sont les yeux à la face des hommes,

mais cela ne pourrait leur suffire à connaître.

Parfois une mouillette, parfois une banderille s'y trempent:

alors ils crient: et tu existes.


Tu es, c'est écrit, toi qui es, ils glissent

de la première à la dernière lettre du nom.


Barrière devant la bouche:

"honte ! honte sur toi !" crient-ils

et toi aussi, Qui, tu as honte:


tu as jeté les cauris dans toutes les directions.

tu as placé les hommes à la dernière unité.

tu maximalises le panier de tes plaisirs.


toi à Qui s'adresse du quatrième mur la fresque des profils.


toi, le roc sur qui leur pauvre ardeur s'épuise.

où les couleuvres filent.

portée de l'air où l'aile des volants s'effile. bleus, points creux.

des hommes en couleuvre s'épurent.

ombre en qui s'incrustent les fossiles.

dissipation du temps, coagule la résine des pins.


se savent-ils, les épais, l'objet du plaisir qui les regarde ? que

savent-ils d'eux-mêmes et des autres

eux qui furent cloués en postures et au profil, à la ligne d'un oeil immobile ?

savent-ils quand le désir les saisit, où il commence, où il finit ?


d'instant en instant, ils ourdent des intrigues, ils dessinent et composent

d'instant en instant dans des intrigues ils s'ourdent.


du premier regard jusqu'aux calculs,

ils machinent leurs mains à ce qu'ils voient, ils pensent

comme des enfants-chats ils te saisissent dans leur gueule avec des cris d'extase.

ils gambadent en gémissant, ils agitent ton cadavre pour lui redonner vie

et le goût de la vie qui s'en va fait fleurir la citronnelle dans leurs pupilles de serpent,

feuillée indolente des orages électriques sous la pellicule des grains

et les cerclages violâtres dans la peau des feuilles,

conglomérats alvéolaires où rêvent de sauvages végétaux.


oui , ils se prolongent en liquide de la marche au caniveau,

oui se vident, oui se versent

se crachent

oui oui

s'excrètent, se pissent, se chient, se coulent, se coulent,

se pètent, se mâchent et se crachent

oui se déversent se déversent, évident, fondent, fondent, rigolent

o o enco oo re.


mais tu déroules la fresque

tu l'ajustes en ceinture à tes reins.

et ils te devinent, ils s'orientent vers toi.

ainsi les profils te connaissent-ils. sans le savoir.

mais ils parlent, ils parlent, ils tiennent.

la fresque sur tes reins, et drape ton bras droit, et ton bras gauche.

bras de sévérité, bras de tendresse

lanière de prière au bras gauche, courroie de lettres à la droite

souviens-toi entre les deux yeux:

la sueur était dans l'étoffe et criait pour la justice:

et toi aussi, Qui, tu as honte.


tu as jeté les cauris pour tracer le chemin de tes créatures merveilleuses.

les voici or, assignats, billets de banque.

tu as fait de la force un travail

tu maximalises à la marge ton petit panier de bien

et au centre le mal.

o toi Qui sait et le centre et la marge.

l'essentiel et l'auxiliaire, la racine et le superflu.

Tout ce qui est racine et tout ce qui est superflu

car tu es, et nous ne sommes pas.


mais nous parlons, nous parlons encore malgré le texte,

nous parlons au travail, sous le travail

nous oeuvrons.

nous tenons la pelle, la raclette, la gaule ou le sceau.

le bras de rigueur tient l'assiette, le bras de tendresse la récure.

selon l'image et la ressemblance nous récurons,

toi tu possèdes, tu encaisses.

tu distribues à chacun son salaire et selon ses mérites

et tu sais ce que nous ne savons pas,

tu sais l'ensemble et les parties,

le meilleur et le possible, et le profit et le partage.


( père admirable et bon.

tu nous enseignes

durement, tendrement.

pourtant nous sommes récalcitrant

nous répétons ( comme tu nous l'as appris et tu souris de plaisir devant tes enfants créatures [fortes )

mais au fond du fond, nous manquons de foi

nous prêtons l'oreille à la voix ronchonnante

celle-là qui glapit : ce n'est pas vrai.


quand tu nous exécutes, c'est seulement pour l'exemple. ( comme tu nous l'as appris

pour nous même et pour nos frères,

sur nous même et sur nos frères;

mais tu es triste quand s'égorgent tes enfants créatures faibles:)

tu n'en as aucun goût)


je m'étais promis de ranger mes phrases

une à une comme des mèches de cheveux

d'être juste au point de les froisser un peu

faire de ma vie un ordre pour mon art


j'attendais, j'espérais et jurais: c'est promis !

je suivrai les ronds des lignes de niveau

j'aurai tant  patience, temps, attention et respect

que l'Histoire me chuchotera ce que je dirais d'elle:

j'aurais caché le secret de ses déploiements

dans les formes de mes jours et de mes vers

ainsi qu' avec les os, les plantes, la lumière

Goethe - coryphée des archétypes


j'en finirais

avec la compétence trouble du ventre

sale canaille !

mon poème sera clair et sage

il sera un surcroît pour d'impurs transgressants

lanterne aveugle de l'hermite au bois noué

une pensée y déploiera des palmes théorétiques

y sera éprouvé la racine du dieu ingénieux

au moment de créer ce à quoi devront servir les fleurs

mignonne allons voir si la rose de haut


meure

ou

tue

et

crie

à qui:


le supplicié enveloppé,  à mi-rampe,

les sculpteurs de pierre coagulent

sur la tête de vie les têtes des morts


et

meure


et la cloche bistre qui teintait de velours écru le fond de la tasse

n'était en aucune façon assimilable à la tendresse de la vache pour la femme

tandis que les rouleaux de l'écorce maritime reniflent

la fleur et la brûlure

ton coeur de suie

ton coeur de bruit et de pieds

ton coeur de cheveux et de nuque accrochée aux yeux de ma femme


et

crie


sang, gueule, et force: c'est la guerre

ils comprennent que la force

faut donner un coup bon sur la gueule-la

qu'ils se tranquille un tienne moment

continuer tranquille danser à danser marrionoigeôtres

eux la haine-la la haine pour pas de bon gratos


à

qui


malheureusement

ils sont ainsi c'est étrange

mais j'ai foi moi oui j'ai foi

j'ai foi dans tous les sens politiques et religieux du terme

j'ai foi oifaij ouaf ouaf

un de ces culots oifaij


à

tu


ahah

si j'étais à l'armée comme je les aspergerais ces fils de pute

viens danser veux pas tu veux pas danser ola bye mon coeur

voilà elle est partie mais non penses-tu mais non

douce âme mon âme


ah si j'étais à l'armée que puis je faire pour toi faveur

donne moi des chewing-gums tu ne veux pas aussi un baiser

mon âme douce âme

mon copain c'est sûr mon copain me tuerait

il est à l'armée lui aussi il asperge ces fils de chien

qu'il fasse ce qu'il veut peu me chaut ce qu'il fait où il est

tu cherches donc un copain mon sucre

ce n'est pas un copain que je cherche

que cherches-tu, la belle, que cherches-tu

l'Amour, mon beau, c'est l'Amour que je cherche


reviens ola je peux t'aider elle a de ces nichons dis donc

beaux nichons gros cul rond soyons sérieux un bref instant

tu n'as pas vu la télé aujourd'hui un attentat où ça au sud

des morts ou des blessés deux morts et des blessés enfants blessés

mignon m'âme mon

mignon


ah si j'étais à l'armée comme je les aspergerais ces fils de pute

tu veux une glace veux pas cette bière selon moi est la plus dégueulasse

que j'ai goûté de toute ma vie l'abjection-même

le mieux, ce me semble, est, comme d'antan:

le Maître s'occupe de l'argent et la femme

la femme


par définition

elle est plus yin que l'homme

par rapport à l'homme

et il est plus yang que la femme

par rapport à elle

tous les fleuves vont à la mer

par rapport à la montagne

l'enfant est plus obéissant que son père

par rapport à lui

l'épouse est plus obéissante que l'époux

par rapport à lui

mais sa jouissance, à elle,

vaux neuf fois la sienne, aux hommes

lesquels naissent libres et égaux en droit

par rapport à la Loi

que la Nature suit par rapport à la science

et la société par rapport au Droit,

que tous les peuples ont, à l'autodétermination,

par rapport à la définition.


savoir moi les chevaux

moi les oiseaux

moi cheveux

chevreaux tes dents sont torrents du néguev


et crie

et pas d'histoire

juste un brouillon pas beau

24 sur 24 sans quoi comprendre de quoi

j'y bous


or j' voudrais ne pas avoir de mots à dire cela

je voudrais ne pas avoir de corps à sentir ça

à manger

ça

dites: est-ce que ça n'a pas menti quelque part

triché ou bien confusionné de trop

ça passe par / moi mes diaphragmes de triche


pis pour qui dirais-je d'ailleurs

dans cette langue désirée à jamais étrangère

par moi et par elle

et toutes sont semblables à sa jumelle

le rameau du tremble frémit dans la rosée

plantée à reculon au près de la fougère


elle s' la ramène

avec sa certitude de loin de tout

luxe calme et volupté

ils en feront

le petit c d'après le petit b qui suit le petit a

ils trouveront cela simple comme un mystère

après consommation et digestion

nous sommes le rameau enté de la femme aux yeux voilés

la fougère est morte vive la fougère et que vive l'ormeau


ceci est l'histoire et ceci est le vivre

le roseau d'une alliance nouvelle

nouvelle et éternelle et centrée

vous en buverez en souvenir de moi

ceci est l'image et ceci est la peur

où folie-pauvre-homme était, doit raison advenir

alors comment, dans cette langue à l'étrange syntaxe à jamais

désirée étrangère et par elle et par moi

( car de beaucoup je peux faire retrait

mais non des exigences de ma langue )

comment le dire ?


toi,

Qui nous enseigne à taire notre langue:

celui qui dira dans sa langue ce qu'il veut dire

recevra la barre de fer

des mains de celui qui le précède

et le suivant à dire ce qu'il dira dans sa langue

recevra la barre de fer de celui qui le précède

et le dernier qui dira dans sa langue ce qu'il voudra

peu importe ce qu'il dira

il recevra du maître ou de celui qui le précède

des coups de cette barre de fer


Il n'y a pas plus de pourquoi

à ce qui arrive

quand la gangrène s'installe

sur ton sexe

à cause de l'ortie

qui a fleuri dans la fente du mien.


L'oreille attentive aux ancres levées

orgasme tellurique sur les autels de roche,

le sacrificateur en érection lève la courte dague

sur le coeur de l'enfant

intoxiqué d'ancres levés

ou plutôt de fumigènes épaisses.


Non, ce n'est pas du sang

des plantes denticulées, des plans, des procès concentriques.

Le sacrificateur ouvre des ovaires dans le coeur des enfants:

il s'éboule, épais, cailloteux

comme des racines de pouvoir,

datura et peyotl

menstrués.


Le sang englue les touches majeures

du temple

le corps se replie sur son plan,

sait, de ses multiples cailloux,

que la voix est seule,

divine et blanche;

les pierres s'envolent de la terre.


A peine le supplicié était-il enveloppé, à mi-rampe,

que les sculpteurs de pierre coagulaient

sur la tête de vie les têtes des morts.


notons

que cette guerre a commencé ailleurs,

sur un autre continent — à une autre époque:

elle portait alors un tout autre nom

dont il ne serait venu à l'idée de personne

qu'il pût avoir un lien avec quelque guerre que ce soit

Qui a créé à la fois l'herbe

avant de devenir l'aleph des lignes

de lecture

quand la pierre s'est relevée de la salive

dent creuse

C'est joli dire qu'il faut construire avec ça

les lignes-converges vers l'horizon


étaient les milliers de petits vampires,

et l'herbe,

commençait à saigner les incantations

Je viens tout juste de le commencer

balançoire

escarpolette

guerre

caracole

parade

tandis que

le sorcier a ôté cette plante

de sa fente d'élection

pour soigner l'épaule givrée de la femme:

c'est pourquoi ici

se battent surtout des représentations,

des signes dont l'âme à jamais est brûlée


La faute c'est peut-être ça

à cause

que les images multiplient

ça se met aussitôt à les fourrer


ça coïte puis

ça engendre des images

ce truc gênant


comment ils disent ?

c'est la vie

la vie

comme ils disent

c'est la vie

il me semble que c'est ça


ça finira bien par faire

qu'on va bien voir

une fois pour toutes

qu'il n'y a pas d'images

pas d'histoire

qu'il n'y en a jamais eu


Je dis comme ça faute d'un autre moyen

connu

y a pas moyen donc

taratata sonnez trompettes

on dirait qu'il faut y aller

faut y passer

passer par là

à l'assaut


j'ai entendu dire que

je vis

depuis je me répète ça assez souvent

quand je suis pas trop fatigué

et avec la pratique je dois reconnaître

que ça prend

ça finit par faire une bonne sauce

des liants qui machinent des ligants

machine avec machin

des emboîtements approximatifs

ils se goupillent des coïncidences

des astres errants dans des maisons

des principales, des incidentes,

des étoiles engrènent leurs osselets et se mettent à siffloter entre leurs dents


tout ça pour avoir l'impression

qu'il y a un corps

bel effort tout de même


donc il y a un lieu ici

quelque chose

avec du grouillement

et je déduis:

s'il y a des trucs qui grouillent,

ça doit être la vie, puisque la vie c'est ce qui grouille


j'grouille, je vis

deprisa, deprisa, à toute vitesse

comme une sorte d'appendice enflammé

peut-être ?

Bon, mais

ça s'arrangera bien d'une manière ou d'une autre

n'est-ce-pas comme on dit j'espère


Enfin quoi, tout ça, bordel,

les personnages, les images, les histoires,

tous ces trucs plein de sens et de volonté

ça trouvera bien son Maître, enfin quoi !

parce que maintenant que je vis,

automatiquement il va falloir qu'ils en assument les conséquences


moi, ça m'est égal

ceci dit

mais c'est ce qu'on appelle une loi de la nature

à moins que ce soit de la logique


Mais le sang ne donnait pas satisfaction au sacrificateur

le terre ne le buvait pas,

non plus le ventre ouvert dans les coeurs des enfants.


Les sculpteurs creusaient et scarifiaient,

rongeaient, évidaient des entrelacs de

fentes et de brèches sur la pierre dure,

sculptant des bouillonnements des espaces

entre la chair et les muscles, méats,

cloques volcaniques purulentes sur la peau:

car

ils voulaient dans le dur inscrire

l'image

de ce qui fuit, la trahison du solide

la fuite du minéral, mais dans le minéral


pour que la pierre témoigne de sa nature ignoble,

c'est-à-dire la dissolution qui la constitue

cette maladie de l'être

de

ses amours avec le sang, les dingos,

comme des scarifications, des tortures tribales,

excisions

la pierre mâle invertie en femelle.


ils voulaient que le granit avoue sa soie-grège

que l'opaque dénonce ses pancréas

il fallait que le plat, continuum continu

continant

connaisse

de gré ou de force

qu'il crève partout de mille vagins,

parce qu'il est maillé comme une pute

un masque pénétré

par tous les côtés dans tous les sens sans une seconde de répit.


La pierre doit dire

l'irreprésentable,

comme une pierre, avec sa voix de pierre

et non de dentelle de décor.


ils creusaient un discours, ils fouillaient un chemin

entre les visions déclenchées par les drogues, la souffrance ou la peur:

c'était une torture, une délation,

pas un art.


Mais le peuple n'en recevait que visions et mémoires:


La science déjà sacerdotale

le peuple domestiqué habitait dans des clôtures

de temps haché

dans des segments des champs

plié sur les outils agraires.


Apparemment contemporains,

le mur du temps les séparait.


Sang et fumées à midi

l'homme foulait la plante des pieds de son ombre qui s'enfonce au noyau de la terre

Sang et fumées à midi

L'ombre inventait en divisant la densité: les pieds sont les verges qui la fécondent

Sang et fumées c'était midi, la conjonction des astres, le signe de la terre

le point de la danse où le fil s'évanouit dans toutes les directions qui n'est pas lui:

l'autel ouvrait une porte carrée vers le ciel.


Mais les paysans, les maîtres métayers

qu'auraient-ils fait d'un mouvement neuf dont ils eussent hérités ?

Voués aux sillons, les Nourriciers ! ils se contentaient des froides intensités,

et le jour du sacrifice était un jour et non l'abolition du temps,

montées et précipitations d'émotions, catharsis sous le Ciel géométrique.

Puis la terre grasse, labourée et sillée

rappelait à elle l'architecture des genoux et des houx.

Et ainsi sans le savoir les servants de la terre inventaient l'art

car l'art est croissance, inconscience, gradients de temps,

froids et chauds de saisons germinantes.


Tout

ce que le sang avait touché

se résorbait dans son instant subtil

plus précieux que la semence des cadavres,

plus rare que l'argon.


Ce n'était pas du sang, mais des phylums,

non, des apnées,

non, le vent où il habite,

où il dort,

ce n'était pas le cristal, non, la croissance, la pulsation du roc.


Qui

ose savoir

qu'il s'agit aussi de

la forêt et des champs

des parcelles et des villes,

qui avait la folle sagesse de voir cela,

parmi les prêtres drogués aux protocoles du rite

aux mensonges hallucinatoires

ou parmi les travailleurs asservis au rythme des outils ?

Seulement

créés dans les coeur des enfants sacrifiés sur les tables,

les ovaires d'une femme

pendant le temps de l'agonie de l'enfant.


j'y suis pourtant ! je suis ici ! avec ceux qui y sont

parle avec la peur là où elle se trouve

au ventre et autres cavités

le monde entier fut-t-il ce ventre

parle !

c'est mon agir autant que je le peux

que l'on tue, ce ne sera pas en mon nom

mes haines ne me seront pas volées

je ne porte pas la marque de vos affections

je nie la hideuse équation des troupeaux d'hommes

ami égal juif ennemi palestinien

et tout autant l'inverse ou bien la symétrique


je vomis de la populace déchaînée

les consensus abjects, les enthousiasmes lâches

la foule qui pogrome et la foule qui clame

la foule qui regarde et celle qui sermonne

mais s'il me faut un choeur pour crier mon horreur

j'y suis, que ceux d'ailleurs en fassent le récit


n'empêche n'empêche

cette dose légère de LSD

me fit éprouver l'amour surprenant du vent tiède

de la mer

pour les bruyères

et des papillons blancs pour mes genoux, mes aisselles

des bruyères éventées pour moi quand il passait

sur le chemin des douaniers

au lieu-dit le Grand Mont de Saint-Gildas-de-Rhuys


entre la douleur et la douleur

je m'exerçais à marcher droit-devant

sauter les haies chuter du haut des falaises

que rien ne t'arrête o mon corps étonné

je m'aspergeais d'eau froide

la nuque et le ventre

j'offrais aux oiseaux les restes de mon riz

les villageois riaient de mes pieds nus

et moi je riais d'eux et de moi-même aussi


même j'ai marché alors sur la bordure des feuilles

et même une fois ! foulé un nuage des pieds

et même une fois foulé un nuage des pieds


comment accepter que rien ne demeure

de tout ce que j'ai vu et fait

mais je viens de recevoir un méchant éclat de fer

de clou rouillé

quelque part là, entre la nuque et l'épaule,

justement là où j'aimais caresser la tienne,

dans le creux que ça fait quand tu t'enfonçais

sous la tendresse de tes aisselles pour t'endormir

il y avait ce creux entre ta nuque et ton épaule

où mes doigts d'abord venaient s'engourdir

puis mon regard s'y laissait embrumer


seulement souvenirs et douleurs

paroles ressassées

souvenirs, formules

paroles épitaphiques images séchées

comme mon sang coule

comme des papillons entre les feuilles soyeuses d'un herbier

comment accepter


me voici replié dans ma poitrine

qui crie pour quelque chose vers en dedans

ferme là o ma poitrine

la mort viendra

je ne veux pas de tes secrets confits

je veux m'abrutir de sensations crues

chevauchées

malheur sur toi ! toi qui fait suivre je veux

de comment pourrais-je

ferme-la

crève

crève


bizarre je me croyais différent

vivant

( me ferais-je une soupe de rouille de clous

pour fortifier de fer l'anémie de

mais je n'ai pas d'enfants à sauver

de l'ennemi qui rôde dans la nuit )


mais voici je prends le pouls du temps qui me reste

je ratisse comme des pâtés de sable

les demeures de mes vies

n'ai-je pas déjà été vieux assez


et si

alors je serais jeune encore

pour la première fois


ah comme j'essayais de me convaincre


la mort vient, environnée de silence

comme une dernière combinaison du penser


ça sera peut-être une pensée tragique

une formule idiote comme un slogan

une plaisanterie fine

ou une élégante dérobade

d'humour un peu cynique

et vain


suis-je mort, moi qui écrit ceci

et vous mes pensées êtes-vous de mort messagères

ou quoi


c'est que le monde est cruel

c'est que c'est le fautif

c'est que la vie et que le sort

et que l'etcetera

etcetera etcetera etcetera


comment accepter que rien ne demeure de

tout

que des paroles fondues

n'aurais-je rien ajouté

qu'à la sempiternelle rengaine des défaits ?

Qui ? Où ? Pourquoi nous ont-ils définis le mourir ?

-- qu'on meure d'approximation, c'est un mensonge

et encore moins expiation, propitiation:

réglé comme un texte de théâtre, la vie

au goût d'un tyran impersonnel,

au dernier acte, ils saluent, les acteurs, un à un,

et retournent où retournent les ombres.


o où donc en toi s'infiltra le poison.


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