lundi 3 avril 2023

théatre constant, Maison 1.1


1






 

Moi, et mon corps en déambulation,

moi, quelque part entre mes pieds

et les airs miens fredonnés jusqu'aux taillis,

moi, des semelles un peu rabotées

ou moi, le grain de la route,

moi,

sovilo viloï viloï   sovilo vilo -oï

Moi, dis-je, voire moi sans intentions,

ni d'attention,

détendu dessous le paquet du corps

qui accompagne la parole organimentale


Et toutes écluses mugissantes sonnaient:

dans les prairies blanchies: moi, dis-je, allons :

Allons, ça, allons, je : j'en prendrai mon parti !

On se fera une raison - à la dizaine :

Et les moulins à eau, à vent, électrique,

broyant leur farine entre mes meules : un

cortège de mésanges, passereaux, passurets, alouettes, fauvettes, pipits, hoche-queues, [accenteurs, moineaux, pouillots déhardés d'entre un rameau à l'autre:

sautants, sautillants, viaulants, vibrants, vroussants, vrombissants, bourdonnants, sifflants, [volants, trissants, voltigeants, virants, voltants, virevoltants

d'une branche, rameau, ramure, ramille à l'autre parmi les autres,

par creux bleus mi les alcôves des buissons

ou des sous-branches : ça, ça, or donc, disant, comme on dit

j'y vais !

et en effet, autant que fait signifie,

j'allais sur cette petite route départementale

- c'est une géographie qui en vaut d'autres -

à moins d'une centaine de bornes de Paris.


Pour autant l'homme n'est pas l'oiseau,

et n'est d'ici ni d'ailleurs tout-à-fait :

pour autant aussi bien toute chose soit semblable,

je dis interrogeant :

    l'homme est-il l'oiseau ou l'oiseleur ?

    le lièvre ou le lévrier ?

    la hase ou le haselier ?

    le bateau ou le bateleur ?

    le rêve ou le rêveur ?

    la paille ou le rapailleur ?

    la mouche, le muchillon, ou l'émoucheur des vieilles chandelles qui fument encore ?


Et c'était, en allant, en chantant, enrouté par la campagne,

lorsque j'ai demandé mon chemin,

juste pour demander mon chemin,

et non parce que réellement je cherchais

quelque chose qui fût mon chemin.


Le ciel était délayé,

répandu, profond, sans volume.


Quelque part près de Courson.

 (j'ai oublié les noms de ces villages,

et même je n'ai jamais connu les noms de ces hommes et de ces femmes:

puisqu'aucune cruauté, je crois, aucune jalousie ne nous a jamais uni,

peut-être ils sont morts, et peut-être c'est moi,

et peut-être ça n'a aucune importance

pour cette sorte de poème-là.)

( le ciel bleu et blanc, c'est important. )


A l'entrée du premier hameau

c'est là que j'ai demandé mon chemin:

Une vieille femme alerte sur le pas-de-porte

de son jardinet m'a dit

d'aller plus haut demander au pays

j'ai humé la matière de son accent roulé

si près de Paris ça semblait comme un panthéisme idéal

Le décor était de l'autre côté d'une haie peu touffue

une voisine et son chien.


Wrah ! wrah ! a dit le chien.

Demandez au pays, la vieille a dit.

Wrah ! wrah ! wo vo ! wrah ! le chien a dit.

Par dessus la haie, la voisine regardait.

Elle m'a dit la vieille que

c'était le chien de la voisine et

je ne devais pas avoir peur.

Le chien flappe la flappe la flappe le fouet

s'est mis à ronronner contre ma jambe

comme un agneau

r r  r    r  r  r

Le vent ;


La tendresse verdie ;


Le vent: pas un ris.

Dans la poitrine, les mèches des haubans ont faseyé.

Flappe la flappe la flappe la.

Le-vent-pas-un-ris : soleye et paix.

Le souvenir: une jeune fille.

( Je suis une jeune fille le souvenir a dit :)

" Le Juif Errant a-t-il retrouvé sa guérite ?"


j'allais et j'allais et

à peine un peu plus tard

et mon  souvenir se brise

comme une miche de pain bleu

qu'on partage entre copains

à la suite d'une excursion

au biais des épines et des roses trépidantes

des mûres rouges piquetées de granules violettes

qui déchirent sous la peau

( mais va donc ! le moteur est bien en dessous)

quand on arrive en haut de la montagne

et lorsqu'on voit le chemin de traverse large

on le compare  aux jeux avec les filles

dures d'accès et aisées de descente


Où est le début et où la fin et où le milieu ?

il faut bien  que l'on présente ses oeuvres devant

des femmes, fussent-elles imaginaires

Mais moi à qui raconterais-je les pauvres exploits de la durée de ma vie

( Si je ne peux de moi me changer quelque peu !

mes jours n'ont-ils été que gaspillage dédains mépris et gourde pleine de buée ? )

pour qui les ferai-je parures et colliers

quand même l'art des mots,

le sortilège des récits,

hocus-pocus et charmes et magies,

mon héritage rythmique, je ne l'ai pas cultivé


—— Mais du moins la faute n'est pas mienne entièrement !

et j'accuse la France et ses villages de boue

et sa capitale de ponts et d'arches et de pyramides d'acier et de verre

et ses roues et ses nuages de fer sous les rails du métro


et les temps sont durs comme on dit

et la chanson précise:

par les temps actuels

nulle femme nulle femme ne veut te marier

si tu n'as pas de situation


un jour

jeune Diogène sous la toile d'une tente

qui était le refuge entre mon ventre creux et

et les vents de la mer

criant  les yeux ouverts sur les étranges formes de la faim

j'accompagnais en fredonnant de joie  le rythme des visions

sur le tambourin que la faim invente au plexus des soleils réguliers

ils tournoient des crépuscules aux aubes et

ils crépitent comme un cortège de grillons-bachantes

pour saluer les éveils royaux et affamés des vagabonds

et les vents de la mer aussi


c'était à Montpellier

des gitans milliardaires circulaient en rolls fabuleuses

les odeurs des saucisses sur leurs barbecues m'affolaient

j'étais timide et orgueilleux

j'avais trop faim pour demander

je les aimais de loin

de loin je me roulais entre les bras et les cuisses

de leurs femmes obèses

et les vents de la mer


c'est là que j'ai su qu'il est nécessaire de lire quand on a faim

pour ne pas être qu'un ventre

Ezra Pound fut d'une clarté parfaite

d'une exquise simplicité

je le commentais de quelques mots montagneux rarifiés

à mes disciples bouches bées: va, ne mange pas une

semaine et comprends et


et  un matin entre les champs de pommes et les vignes ah! combien ai-je couru

portant la charge d'un surprenant orgueil

un désespoir merveilleux et privé courrait à mon côté

j'ai rempli son sourire torve de pommes ramassées

et nous les avons lentement mangées en chemin

laissant autour du trognon beaucoup de viande rouge

que nous semions sur le chemin du retour à

ailleurs

pour amicalement les partager avec les oiseaux et les fourmis

et pour manifester notre plénitude et notre joie de vivre

et les vents de la mer

poussaient à Courson mon cortège de péniches

la procession des visages pèlerins entre les draps errants


mais plus tard à Jérusalem

je peine à me débarrasser de ce que j'ai été


mais tout est une question de verbe

et si j'étais quelqu'un il y aurait bien quelqu'un

qui aurait plus de temps et de paix que je n'en ai eu (jusqu'ici)

qui trouverait le moyen d'arranger les éléments de ma vie

en fonction de l'art et d'autres seraient contents et trouveraient que

c'est beau

mais je ne crois pas que l'on fera quoique ce soit

de moi

ni avant ni avant

ni avant ni après le pourrissement de ma dernière mort


j'ai voulu

être celui qui rassemble leurs paroles

afin qu'ils sachent

qu'il y en a qui conviennent à leurs événements


mais je ne sais plus rien de rien

et je ne suis pas capable de voir la trame

qu'il nous soit pourtant donné

si nous n'avons ni l'argent

ni les femmes ( car quoi qu'on en dise ça va drôlement ensemble)

un peu trop je veux dire pour que le féminisme soit tout à fait crédible

qu'il nous soit donné de comprendre un petit peu

 et si rien de rien ne l'est

qu'il nous soit donné de feindre du moins que

quelque chose est compréhensible


et les guerres et les paix

de quoi dépendent-elles

des paroles des hommes des cabinets

et des récits que l'on se fait

et grand est le pouvoir et le devoir des poètes

et je tremble d'un monde qui méprise ses poètes

mais je me console

en lavant la vaisselle dans les restaurants

car j'aime l'humanité qu' il y a là

si ce n'était les regards des petites gens qui nous commandent

et qui nous jugent stupides puisque l'on fait un travail

dont ils profitent


Mes années à Paris:

et mes années en france:

l'inquiétude qu'ils m'ont construits

car la guerre était avant

et ici aussi c'est une sorte de guerre

mais celle là c'est la nôtre du moins

( disais-je )


et j'ai écouté tout à l'heure de la musique arabe à déchirer les poumons

qui suspendait le souffle

et enjôlait l'esprit

et je me dis

je suis certainement arabe d'une certaine façon

et les arabes sont certainement juifs d'une certaine façon

et je suis certainement toi d'une certaine façon

et on finira bien par se rencontrer

d'une certaine façon

ou d'une autre

et ce ne sera pas la paix

mais ce ne sera pas la guerre


et je maudis les assassins de tout en parole et en actes

qui brandissent des couteaux imbéciles


mais donnez-leur des livres

sur leurs ennemis

et donnez-nous des livres et des musiques

avant qu'il soit trop tard

( c'est déjà trop tard )


et c'est ainsi que je suis arrivé à Jérusalem

et je t'ai vue à travers la fenêtre

et je t'ai appelé

tu es descendue

et nous avons parlé de choses étranges et

reste maintenant et ne t'en vas pas

car il faut que je sois humble et doux de coeur


n'est pas étrange

ils ont voulu se rendre maîtres de l'histoire

ils ont voulu la gouverner

lui mettre au nez un anneau

et aux flancs des étriers

et ils l'ont conduit jusqu'à l'extinction des rêves

et l'histoire nous hante comme un fantôme et nous

ne parvenons pas à nous en débarrasser


qu'avez-vous voulu de nous


ainsi dans le sud de la france

au pays des cathares

moi jeune moine errant en habits d'usure

j'entre dans une ferme

un homme aux yeux hallucinés me conte

la révolte infinie de son peuple contre le croisé

je suis un parfait me dit-il

mon père était parfait

nous serons parfaits jusqu'à la fin des temps

puis nous mangeons des saucisses en commentant

les événements du rosaire comme des dernières informations

" ah, ça c'est le moment où il se casse la gueule

et tous ces salauds toute la populace qui vient assister au spectacle

remarque c'est humain moi-même la semaine dernière

quand les coureurs de la course sont passés

il y en a un qui est tombé dans le virage de 60 m

on a tous été voir"


je porte en mon coeur le toboggan d'un extraordinaire bonheur


d'autres me priaient de bénir leur marmaille et leurs marmites

une bonne femme à barbe de chou-fleur gigotait un crucifix décadent

la soupe à l'ail soupirait contre les murs épais

on se souvenait des cathares et des livres brûlés

et je c'est à dire je pense donc je quelque fois

avec mon être organimental

et moi allant devant allant puiser l'air à la claire fontaine du jour

je ne pouvais pas bénir j'agitais le bras dans de vagues fiches signalétiques

oh que le ciel était bleu que ocre la maison

( je me suis jeté sur un lit trop épais; non, cela c'était à Grand-Champs,

Morbihan, Bretagne )


A Grand-Champs, Morbihan,

je me jette sur un lit trop épais

la fille vient s'accoucher près de moi

je roule une heure et deux et demi avec ses seins de poire sur ma poitrine

ses hanches dedans mes mains comme des pirogues

on se suçote baisote tout c'qui fait hic et tout ce qui fait hoc de même

on s'aspire se suçonne se mastique se malaxe se pinçote

on se gymnastique d'ahan et devers darrière et davant

on se tripote et se dépote et barbotte barbouille et débarbouille

on se tire les bouts et bouche les trous

on s'visse on s'dévisse on s'revisse on s'

niche et on s'déniche on s'mouche la chandelle

on s'souffle on s'gonfle on s'pèse on s'ridérire

on s'phonème on s'bégaye on s'aphasit on s'aplatit on se berce

dans le lit de sa grand-mère à Grand-champs qui est morte là

ce pour quoi la fille après le discours ne veut pas y rester

et j'y reste seul avec l'odeur de ses organes à plaisir

comme unique chanson et seul souvenir

objet  transitionnel des jeunes de bonne famille


j'ignorais encore que j'étais déjà ce vagabond sans chemin

traîne gagne-pain des fourneaux sans farine

gorge-queue des volcans sans basaltes

éternel rouleur des petits pas à pas on fait son etc.

quart de philosophe sans pensée et

content content sauf quand mécontent

vague routeux des nets assis

détrousseur de grand-chambre

querelleur des araignées et des escargots

défenseurs sans peur des petits lombrics épeurés

chambouleur des courants d'air

révolutionnaire des valets de chambre et des soubrettes

plaideur des salles des pas perdus

harangueur des harengs

rhétoriqueur es saucisses

mousquetaire des rossignols et des chardons


et vous ne le savez même pas !


ils ont tant voulu faire de nous quelque chose que nous ne sommes pas

ils appelaient ça amour

que voici nos corps devenus impapalpables comme ombres

et nos ombres comme des brassées de bruyères très-fanées

ils appelaient ça toujours

et ne reste que le zest du reste et la sagesse de laisse

avec ses odeurs de goémon et d'étrilles:

donc oh! que mon corps soit toi, o ce lézard

qui me regarde un instant avant qu'il s'affûte dans l'entre-cailloux

alcooliques de soleil

et toi mon ombre va vaque aux frasques du monde des hommes

ils appelaient ça amour


je te sucerai jusqu'aux étoiles

elle a dit la gitane

tu es beau et je meurs de te lécher les orteils

la mer mon pouls derrière

le wagon échoué sur le haut de la dune

les étoiles se cachent derrière le soleil

je bénis aujourd'hui ces souvenirs et le goût de la pêche de St Gildas de Rhuys

pour mieux vous maudire

marchands d'hommes et de couleurs

car

ils mordent quand ils sourient

mais moi jamais je n'ai prétendu autre chose que

ni rien et c'est pourquoi je lève les mains

pour ranger devant l'inconnu ma prière

quand o quand viendra-t-il le temps de la lutte d'amour

quand irons-nous accueillir la fin des superstitions

et des devoirs et des chemins tracés


et le brave homme qui m'accabla de travail

et me dit que je suis un homme et me dit de me réveiller


Puisse ce départ être sans retour !

m'écriais-je à la troisième enjambée

mais combien de temps ai-je mis à comprendre

que de toutes les prières celle-ci

est en tous lieux la première exaucée


ils m'ont dit : te voilà revenu !

j'ai répondu non non

je me voulais fidèle à mes métamorphoses

ils chérissaient leur propre souvenir


ainsi sommes-nous revenus l'un aux autres cruels

bégayants par tendresse chacun

l'autre moitié du même mensonge


ni parti ni revenu, où serais-je alors ?

passent la rose et le jasmin

( c'est au temps où je diffuse )


au temps où je diffuse

et le pire s'approche

o mes mots o mon art

ils me prendraient pour vous, moi !

étrange faune de bureau

loin des chemins

dans leurs réseaux

o mes mots o mon art

o ma terre et mon retour

o ma petite ma seule demeure d'hier et de demain

o ma coquille mon cerf-volant mon cher élan

rends- moi la route je t'en prie

rends- moi le sang et la sueur, la boue à mes godasses,

les doigts poisseux du jus des pêches sauvages

la guerre même, tout ce que tu veux

et l'inconnu et la folie

reviens retourne à ces cuisses merveilleuses car --


à mon silence --

me voici

mais qu'est ce que je fais de toi ?

j'invente des naïades et des ondines imaginaires

volontiers ! elles se dénudent - pour c'que ça coûte !


et voici l'homme !

je te tue o ma parole organimentale

corps ici et parole là

et c'est moi qui te livre - à lire - sans livre !

et c'est moi qu'on feuillette, émiette, pour rien !


ils ont voulu confondre

parler et échanger

et me voici communiqué - en direct !

comme les morts je me donne à manger

je m'apporte des fleurs

je me tisse de graviers

je ne sais plus parler je me tais

au clavier


en poussière d'or dans la lumière et

dans l'aube

homme doré


A l'assaut du Ciel avec des fusils

criaient-ils

mais vers la terre ils ont tiré

le Ciel n'est pas venu

le Ciel est resté ciel

comme le ciel reste toujours comme il est


pour les prisonniers du Migrash ha Roussi par exemple

le ciel est une rubrique d'étoiles à travers les mailles des grillages


et ils brodent

ils ourlètent

ils dentellent

ils reprisent

aux gorges de leurs femmes

des colliers de lucioles

des diadèmes de lune

bagues de crépuscules

anneaux de source

sans fin infiniment

infiniment tendrement


des anges ont poussé des trognons rougeoyants

de mes pommes

inconscients qui engendrez des anges flammes de boucher

nos désespoirs sont perfusions dans les rémiges des anges malades

est ce qu'ils nous le rendent dans nos stupeurs

nos abrutissements ?

dégagez vous, anges ? de la substance de nos ennuis

des sculptures pour des jouissants étrangers ?


combien de fois ai-je répété ces gestes

le fruit recule, l'étiologie arrive

l'existence est la parole d'un bègue

toute chose est limitée

la tristesse est bancale

l'esprit ne connaît que les formes

mais nous goûtons l'infini

dans la discontinuité des fonctions

rien d'entier comme coeur cassé

qui fait l'ange fait la bête


Empereur des raidillons des rêves

campé comme n'étant pas, supportant les marches de saphir

gorge éversée sur un rire qui gouleye

flappe la flappe la de yongquan à laogong

flappe la flappe la : soleye et paix.


cinq coeurs d'étamines de la Terre / Ciel

bille de boue assoupie

Eldorado, Eldorado n'a pas de nom -- c'est mon nom ---

mon corps en dermatoglyphe des monts pereines,

des eaux d'en sous les eaux : colibri de ton doigt,

cher ami !

au réveil,

l'image que révèlent les sels hypnagogiques

a le visage de la Norvégienne de 17 ans

dont on parlait -- t'en souviens-tu ?

sur la colline dans ta Yougoslavie:

elle daignait ne boire que du coca

ou l'eau de Norvège de sa gourde.


La terre aussi est restée ce qu'elle est

sang --- simagrée des labours

tapinois, à la douce,

auprès de ma blonde

à la claire fontaine

petit oiseau d'or et d'argent

ton moulin ton moulin

sonnez les matines

on y danse on y danse

ne sait quand reviendra

nini peau d'chien

casque d'or

y a un ptit génie qui brille

y a pas d'lézard

à la tienne, Etienne

touche-pipi

agace-pissette

bour et bour et ratatam

a fait un bon dodo

ces meussieurs me disent

la ptite souris est passée

ptit lapin plein d'poils

fi d'cheun

kenavo

où sont les roses d'antan ?

à la chandeleur

eh ! Mambo ! Mambo

c'est oncle Heurté

va dmander au pays la vieille a dit

à l'arvoyure

sont pas parlables

la chevillette cherra

aux marches du palais

mascaret et tokay

bouilles groseilles des piafs des mûres et des barbouilles

ptits rois sur la tête des abominables épouvantables épouvantails des prés ---

Terre telle qu'en toi-même les Eres te changent

moi, en vigile joyeuse

du haut de mes cothurnes te salue : ohiooo yooo yo yoo ! terre ! --

pelletée jetée, pénicho-trans-hydrogénique, lactance,

à plein limon de sédiments dans les canaux fleuris des pommeraies stellaires


je vais alors, hein ? allons-y !  sans réellement songer

aux indiens d'Amérique en ce jour où s'ébauche

leur variante particulière de l'attente commune


ensemble de nouveau nos gestes recommencent la quête des ancêtres

anciens de Lascaux, d'Australie, de Sahel

de moi aussi ancien

que tout pain envarde désormais

à peine vignette pochtron dans l'engrêlure des sous-bois

d'où  la lumière flocule bordeaux dans les gorges

où des anges ont creusé leurs cabanes


d'ici à toi salut ! Whitman, vieux pédant

voici la main dont je froisse les taillis

vous l'emplirez de bisons devinés sous la roche

et ce chant vous devine aussi

chasseurs bredouilles du grand soir de plus tard


corps ici, pensée là

déployée jusqu'à vous à cheval sur les IPN de là-haut

vos pieds éperonnent l'air sacré

vous sellez l'île chevauchée par les Loas d'occident


debout de chaque côté du monde

nous en déroulerons le drap

nous en secourrons la poussière

la prairie se lèvera vive et rayonnante

ça ne peut être qu'ici


et maintenant


frères humains qui avec nous vivez

l'empan du pied s'est déployé

marcher n'est plus nécessité


béni sois-tu notre Dieu

qui a fait l'homme pointes-pointes

et la femme grotte-grottes

et l'enfant gaufre dans le moule


à bien dormir au rez-de-sol

orchestrer d'une brindille les faims et les soifs

aurais-je courroucé les princes de la finance

les Soeurs furieuses ou bien les Parques ?


les voilà qui viennent lacérer mes printemps

de leurs doigts de congère


toi qui a passé ton temps à le désirer autre

contemple à présent les ruines de ton passé

homme inhabité de toi

sans patrimoine

déshérité

ta vie tu ne l'as pas vécue

tu mourras la mort de n'importe quel autre

sans même savoir le goût de cette mort


et cependant couché dessous la tente auprès de toi qui est une elle

d'une parole époussetée des attentes je profère la bonne nouvelle


et tandis que nos bras ritournellent à tisser à défaire les parques

je divague je noue

j'annonce nu-tête cou roide par ta gorge si rouge

la troisième personne


sous le ciel triangle de la canadienne

nous consolons nos deux mains orphelines dans le bas air violet qui vibre

ces deux-là orchestrent

la portée sans clé sans amure d'une navette inventée à mesure

voici :

le vent est presque à moi

vous tous, côté de face

ce que dieu a uni, que l'homme le délasse


voici encore :

je me sens pardonnant.

souvenir du nonchalant éclair

" nous entendons jouir de notre Mère la Terre,

et rien d'autre ne compte "

la Loi le commande: quitte, acquitte

la foule innombrable des Pères !

oui je suis pardonnant

je pardonne je pardonne je pardonne !


tout ce que l'on voudra

je le jure par ta gorge je chante

les pierres et les miettes liquéfiées du désir

tandis que sous l'écorce approximative de nos mains

Rien-tout et Tout-rien en débâcle vers les neiges du je

passent


j'aime la femme et non le rite

et ton sexe est le tiers qui m'éloigne de moi

et de toi quand je vais en ses terres

tu es je découds et j'annonce o ma chère étrangère

de moi à toi le monde où le monde partage le monde


ne t'étonne pas comprends plutôt cette ascèse féconde

je suis ce creux par tous abondé et austère



envoi:


de toi à toi

depuis les fougères ascendantes jusqu'aux chênes qui croisent

de la chose qui éclot à la gemme qui se concentre

dans les espaces du vent ou du grain, multiplicateur sans fin

à la vallée où la rosée se noue


parmi toi, jusqu'à toi

où des pistes s'allongent entre les corps sensuels des dunes

des empreintes de pied achèvent de durcir sur des grèves fraîchies


en toi des venelles s'invitent

penchées comme des feuillets d'écaille

à l'abri desquels croissent des perles végétales


( des grains mûrissent:

grains à l'adjacence de tonnelles translucides


des fils de rosée projettent des ombres sur les tomettes losanges

rose-bleu

et sur les pavés gris de lin, gris cassé, argile mat, granit clair;


et des fuseaux vieux-rose sous les branchages enchevêtrées de pastels

sur les fusains soufflés, vieux-rose, safran flou, beige et rotin


et les grains qui mûrissent: glaviots-de-mer

épissoirs couches sur couches de couleur

membranes albuginées comme des yeux

sous l'ombre des toiles de rosée

franges tendres des reflets sur les pavés, oblongs et sonores

sur les pellicules translucides et sur les tiges et sur les grains:

gerçures, coulures, escramures de sucre

dans lesquelles s'engluent les pattes zingolantes de la lumière )


des portes nombreuses se lèvent sur des cours puis sur des arrières-cours

où la pierre de vieux escaliers mousse comme un champagne fossile

une tonnelle encore ( peut-être c'est la même) couronne

au centre il y a toujours un puit


et puis des ports ruminent et je dis qu'ils ruminent s'ils ruminent puis

ce ne sont pas ceux des naufrages et accès

mais bien ruminements des ports matériels qui sentent la saumure et le poisson

retour des pèches, cris des chalands sur la jetée, caisses noires et plates alignées

dans lesquelles tressautent éclairs caillés ventres ribots et sanglants des poissons


et puis des soirs et des matins chevauchent nus les roselières dénouées par des chants

à cru comme des cygnes en vol

dont les ailes puissantes semblent vaguer ( ce qui veut dire:

brasser le mout dans la cuve ) quand ils foncent

vers le large au moment de migrer


dans la distance secrète de toi à toi pliée et repliée je ne sais où


des espaces incompréhensibles se sont glissés et ils sommeillent

rouges, denses et vastes, multipliés comme les grains du fruit du grenadier


tu es toute petite, pourtant


mais il semble que c'est pour t'imiter que la lune la nuit dessine sur la mer

entre nos pieds sur le rivage et l'oiseau de l'horizon

cette grande allée de phosphore pâle


briques de clapots

miroirs infinitésimals

fontes, rensemencés

huile de lettres

si êtes souvenirs, décrires, questionnements:

reflétez vous ?


je ne sais pas. tu ne sais pas.

parfois il me semble que c'est pour dire que je suis né

parfois que c'est à dire que je suis né

dire je suis encore à naître je ne sais pas

il faudrait dire cela comme cela est

en toi

approximatif et précis, entier et brisé

perpétuellement inachevé, inachevable

intérieur

extérieur

( comme si le corps était l'extérieur de l'air

et que chaque inspiration était la blessure par où il saigne)


comme cela en toi qui est route et château

les mots ressemblent à ces ponts sur lesquels sont construits des maisons


chair avec conscience

malgré l'absence qui vient

très bien allons-y

sans patience

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