Le Voir Dédit du Monde
Sous la fin'ombre de la ciguë —
d'un côté, la place du village.
On installe le Marché.
De l'autre, un Bois.
Tout d'une seule voix —
Multiplement contrariée.
— Soleli ! — Soleli ! —
- Fils du vent, ma compagne
Sans un mot m'a quitté
Un autre chantera-t-il ma douleur ?
(Joaquin, chantant)
Les Bois:
- Le Fils du Diable, la Fille du Lac, d'un souffle
se sont fait geôle des salives amoureuses.
De filet d’air à filet d’air
sous les feuillages tournoyants,
dans la poussière errante des bolets
ils rejoignent les ombres des soeurs, des frères,
du loup et du renard meurtris:
Des Villageois:
- Tiens ça qui c'est qu'c'est ça ?
- C'est qui qu'est là ?
- Qui c'est qu'est là ? Ah à ct'heure, c'est
toi, Fifi ?
- Fifi ! tiens salut alors, ça va ? Ca dit quoi ?
- Ca l'fait ! Mais qu'est-ce que t'as là dans le cou ?
- C'tun goitre, un goitre !
- Mon dzeus ! c'est que c'est pas beau !
- Pas beau, non, ça fait pas mal non plus, on peut pas tout
avoir !
La Droite Parole:
- A longueur de taire, à force de misère,
Où tourne le lait du songer vrai,
Corps de mon coeur ?
Sous les poudres amères
Dans le champs des gitans,
Etrangers de la conque dextrogyre ?
C'est ça — c'est l'oreille ?
Runes d'écorce - de quelles enfances ?
Les Bois:
- Pointes et coins sous la pulsion des mousses.
Alphabet des renardeaux qui rythme, en jets de pisse,
Acre, l'éternité cunéiforme.
Passent les hivers passent les étés:
L'été - c'est l'air coupé par la chaleur:
Deux portails s'ouvrent, de même fermés
Au cheval et à son cavalier;
Mais le murmure au Bois persiste
— Au Bois d'Arthur.
Un Amoureux:
- Rien n'est plus salé que l'énigme d'un sourire
Ni plus guerre que celle de tes cils.
Arme, si tu veux, la pirogue,
Le chargement du lait de bois, la vie.
Les Anges-Marchands, achevant d'étendre leurs étals:
- Oui, oui, l'orbe de la déesse
Oui les grains concentrés des sels
Dans le sein sanglant de la laisse
Le fruit et la présence - et l'ombelle !
Les Bois:
- Oui, la chaleur laboure dans l’air et
Dans ce paradis,
mais l’amour est le
Partage du temps.
Saisies en lui songent les filles,
Elles qui ignorent, à jamais, le dominion
Des images : elle n'est pas d'air, la peau !
La peau d'adam, le Don Merlin, avec Viviane
La dame, la Dame Merlin, elle est de temps
— Le temps pas pomme-d'Adam.
Un amoureux:
- Alors - s'elle n'est pas d'air, de quoi est-elle ?
Celle, verte pareille, du tendre étang, qui couve
De ses faux les ormes engloutis ? Quelles
Epousailles des voûtes hautes et des terres lourdes
Sous le chant frais des lentilles ! Un oiseau lourd
Etire son vol entre les branches, un pont de spores
Se dresse entre la berge et la trouée. Et tout est calme,
Pourtant ! Comme elle, je voudrais bien me taire,
Mais je crains plus la peste qui nous conjoint sûrement
Dans les ravines nébuleuses du non-dit. Tout est saoul
Et immobile, des cités fantasmagoriques se penchent
Au parapet, au crocus, mais la demoiselle, bien malin
Qui oserait affirmer de quel temps elle a jaillit de là,
Ou trop peut-être, car être ou rien, elle la vibrante,
Elle en garde inconsciente le chemin ou le secret,
Mais c'est pour le dire trop clair au milieu des cousins.
Qui tiendrait là, assez vite pour l'entendre ?
Constructeurs de sens, plus que jamais nous le sommes,
Dans ce bon été, et voués plus que les dieux à le savoir,
Et pas d'autre choix, mais la jouissance du bonheur
N'est pas dans le pack. Puisque le sens s'échappe de son signe,
Toujours ! Chaque mot ruine ce qu'il obtient,
Mais peut-être est-ce là ce qui manque
Aux Résidents des mythes et légendes,
Ce pour quoi parfois l'homme pressent avoir été créé
Par eux, mais comment mourir — supporter
De n'avoir pas laissé me rejoindre le chant ? Non,
Mais: sans que paraisse, fleurisse, éclose, s'offre
Se reçoive la rose parfaite de la plus pure douleur,
Non, non, sans que soit sans que soit - là -
Toitresse de mon âme, non, ma chanson,
Que subsiste, pauvrette ! s'explique, laissette !
Ma chanson ! ma chanson ! ma chanson !
- Les empreintes sont plus pérennes, à Radolfzell
Où les grands cygnes frottent encore
Leurs plumes d'en-dessous sur leurs plumes d'au-dessus
Puis d'un coup courent et se hissent sur les rides de l'eau
Qu'ils frappent, frappent ! de leurs ailes déployées et ils s'envolent
— Où vont ( le refrain manque ) les ombres lentes.
- Fils du vent,
Alors qu'enfin nous fûmes prêts à mourir
Au loin sa robe s'est gonflée
Ainsi sur la mer silencieuse
La vague suit le chemin des vagues.
(Joaquin, chantant)
Le Placeur ( le Jugement ):
- Dire, dire, dire ce qui suinte —
Sonne, sonne le dit du retrait,
Sonnent, sonnent, résonnent !
Le goût du sel dans le pli de la langue -
Les sonnailles du baiser trois fois parachevé.
- Dire, dire, dire ce qui suinte —
Sonne, sonne le dit du retrait,
Sonnent, sonnent, résonnent !
Le goût du sel dans le pli de la langue -
Les sonnailles du baiser trois fois parachevé.
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