mardi 14 mars 2023

le Voir Dédit du Monde

 

Le Voir Dédit du Monde





Sous la fin'ombre de la ciguë —

d'un côté, la place du village.


On installe le Marché.

De l'autre, un Bois.


Tout d'une seule voix —

Multiplement contrariée.


Soleli ! — Soleli ! —


- Fils du vent, ma compagne

Sans un mot m'a quitté

Un autre chantera-t-il ma douleur ?

(Joaquin, chantant)


Les Bois:

- Le Fils du Diable, la Fille du Lac, d'un souffle

se sont fait geôle des salives amoureuses.

De filet d’air à filet d’air

sous les feuillages tournoyants,

dans la poussière errante des bolets

ils rejoignent les ombres des soeurs, des frères,

du loup et du renard meurtris:


Des Villageois:

- Tiens ça qui c'est qu'c'est ça ?

- C'est qui qu'est là ?

- Qui c'est qu'est là ? Ah à ct'heure, c'est

toi, Fifi ?

- Fifi ! tiens salut alors, ça va ? Ca dit quoi ?

- Ca l'fait ! Mais qu'est-ce que t'as là dans le cou ?

- C'tun goitre, un goitre !

- Mon dzeus ! c'est que c'est pas beau !

- Pas beau, non, ça fait pas mal non plus, on peut pas tout

avoir !


La Droite Parole:

- A longueur de taire, à force de misère,

Où tourne le lait du songer vrai,

Corps de mon coeur ?

Sous les poudres amères

Dans le champs des gitans,

Etrangers de la conque dextrogyre ?

C'est ça — c'est l'oreille ?

Runes d'écorce - de quelles enfances ?


Les Bois:

- Pointes et coins sous la pulsion des mousses.

Alphabet des renardeaux qui rythme, en jets de pisse,

Acre, l'éternité cunéiforme.

Passent les hivers passent les étés:

L'été - c'est l'air coupé par la chaleur:

Deux portails s'ouvrent, de même fermés

Au cheval et à son cavalier;

Mais le murmure au Bois persiste

Au Bois d'Arthur.


Un Amoureux:

- Rien n'est plus salé que l'énigme d'un sourire

Ni plus guerre que celle de tes cils.

Arme, si tu veux, la pirogue,

Le chargement du lait de bois, la vie.


Les Anges-Marchands, achevant d'étendre leurs étals:

- Oui, oui, l'orbe de la déesse

Oui les grains concentrés des sels

Dans le sein sanglant de la laisse

Le fruit et la présence - et l'ombelle !


Les Bois:

- Oui, la chaleur laboure dans l’air et

Dans ce paradis,

mais l’amour est le

Partage du temps.

Saisies en lui songent les filles,

Elles qui ignorent, à jamais, le dominion

Des images : elle n'est pas d'air, la peau !

La peau d'adam, le Don Merlin, avec Viviane

La dame, la Dame Merlin, elle est de temps

Le temps pas pomme-d'Adam.


Un amoureux:

- Alors - s'elle n'est pas d'air, de quoi est-elle ?

Celle, verte pareille, du tendre étang, qui couve

De ses faux les ormes engloutis ? Quelles

Epousailles des voûtes hautes et des terres lourdes

Sous le chant frais des lentilles ! Un oiseau lourd

Etire son vol entre les branches, un pont de spores

Se dresse entre la berge et la trouée. Et tout est calme,

Pourtant ! Comme elle, je voudrais bien me taire,

Mais je crains plus la peste qui nous conjoint sûrement

Dans les ravines nébuleuses du non-dit. Tout est saoul

Et immobile, des cités fantasmagoriques se penchent

Au parapet, au crocus, mais la demoiselle, bien malin

Qui oserait affirmer de quel temps elle a jaillit de là,

Ou trop peut-être, car être ou rien, elle la vibrante,

Elle en garde inconsciente le chemin ou le secret,

Mais c'est pour le dire trop clair au milieu des cousins.

Qui tiendrait là, assez vite pour l'entendre ?

Constructeurs de sens, plus que jamais nous le sommes,

Dans ce bon été, et voués plus que les dieux à le savoir,

Et pas d'autre choix, mais la jouissance du bonheur

N'est pas dans le pack. Puisque le sens s'échappe de son signe,

Toujours ! Chaque mot ruine ce qu'il obtient,

Mais peut-être est-ce là ce qui manque

Aux Résidents des mythes et légendes,

Ce pour quoi parfois l'homme pressent avoir été créé

Par eux, mais comment mourir — supporter

De n'avoir pas laissé me rejoindre le chant ? Non,

Mais: sans que paraisse, fleurisse, éclose, s'offre

Se reçoive la rose parfaite de la plus pure douleur,

Non, non, sans que soit sans que soit - là -

Toitresse de mon âme, non, ma chanson,

Que subsiste, pauvrette ! s'explique, laissette !

Ma chanson ! ma chanson ! ma chanson !

- Les empreintes sont plus pérennes, à Radolfzell

Où les grands cygnes frottent encore

Leurs plumes d'en-dessous sur leurs plumes d'au-dessus

Puis d'un coup courent et se hissent sur les rides de l'eau

Qu'ils frappent, frappent ! de leurs ailes déployées et ils s'envolent

Où vont ( le refrain manque ) les ombres lentes.


- Fils du vent,

Alors qu'enfin nous fûmes prêts à mourir

Au loin sa robe s'est gonflée

Ainsi sur la mer silencieuse

La vague suit le chemin des vagues.

(Joaquin, chantant)


Le Placeur ( le Jugement ):

- Dire, dire, dire ce qui suinte —

Sonne, sonne le dit du retrait,

Sonnent, sonnent, résonnent !

Le goût du sel dans le pli de la langue -

Les sonnailles du baiser trois fois parachevé.


- Dire, dire, dire ce qui suinte —

Sonne, sonne le dit du retrait,

Sonnent, sonnent, résonnent !

Le goût du sel dans le pli de la langue -

Les sonnailles du baiser trois fois parachevé.

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