https://www.standing-together.org/
Ca, on en parle pas. Et pourtant, c'est important : des milliers de manifestants arabes israéliens et juifs israéliens, manifestant ensemble Place Rabin, au centre de Tel-Aviv, en slogant : juifs et arabes veulent vivre ensemble.
C'est important, parce qu'on sort de bombardements intenses. Des bombardements intenses, ça signifie des missiles sur Tel Aviv. Evidement, il faut avoir connu ça pour savoir ce que ça fait, les sirènes, les boums. Disons que ça fait peur. Et la peur, ça paralyse la pensée. La peur, ça mobilise des trucs dans le corps humain bien plus profonds que les raisons et les constructions idéologiques. C'est bien pour ça que ça existe, les stratégies de la terreur : pour radicaliser les gens, pour les figer.
Et d'habitude, lorsqu'il y a des épisodes de guerre entre juifs israéliens et palestiniens, il n'a pas de place juste ensuite, juste au milieu, pour de tels rassemblements.
Et cette fois, oui. Et ça, ça me parait extraordinaire. Au même moment, à Gaza, le hamas organise des manifestations de "joie" - je dois dire que je n'en crois pas un mot. Si joie il y a, ça ne peut être que le soulagement de ne pas recevoir des bombes. Ces foules qui scandent à la victoire, c'est tout, sauf spontané.
Et j'observe que ces slogans, et les habituelles réthoriques politiques à l'étranger ( en France ) sont répétés tels quels par des mouvements de gauche, et ça, c'est complètement dingue. Ca ne m'étonne pas : j'ai participé, en tant qu'acteur à un spectacle théatral israélo-palestinien, à Jérusalem. La pièce avait été écrite par un Palestinien, un Jérusalmite, un notable de Jérusalem, prof d'anthropologie au Japon. ( Il m'a offert son livre sur les us et coutumes de la Palestine ( dégageant une culture commune à des groupes sociaux parfois très différents les uns des autres ) un livre de micro-anthropologie, selon ses termes ). Cet auteur ( et auteur de notre pièce, donc ) se nomme Ali Kleibo.
Nous avons monté cette pièce ( nous, c'est à dire le Groupe de Théatre de Jérusalem, une troupe fondée et dirigée par quelques femmes - juives ). Un soir, parmi les spectateurs, est venu un palestinien de diaspora. Il était d'une violence démesuré : la vérité, c'est qu'il ne supportait pas du tout l'idée qu'on puisse travailler ensemble, nous les acteurs juifs et les acteurs ( et musicien ) palestiniens.
Je le redis : ces amis là des palestiniens, ces défendeurs là des palestiniens, les palestiniens réels n'ont pas beaucoup d'aussi fidèles ennemis. Et ce quelque soient les discours et les grands spectacles du Hamas.
La raison en est simple et lapidaire : soit les gens, en Israël / Palestine vivent ensemble, soient les palestiniens continueront à souffrir ( les juifs aussi : mais les palestiniens sont, du moins maintenant, en bien pire position ). C'est très simple : ce n'est pas une question de "droit" ( " qui a droit d'être là, sur cette terre ?" ) - personne, à part les extrèmes droites des deux côtés, et les discours des dirigeants - personne ne se pose encore la question en terme de "droit", de légitimité, en Israël. Ce qui se dit, c'est : quel choix on a ? Quel autre choix ? - C'est sur cette question - tragique et non de vaudeville - que se partagent "droite" et "gauche", en Israël. La droite se veut real-politik, la gauche se veut sociale, même si c'est dangereux. Mais personne ne parle sérieusement de "droit". Qu'elle se prétende fondée sur la Bible, le Coran, ou quoique ce soit d'autre. Les gens - n'en veulent pas, de ces guerres. Ils en ont marre.
De ça, évidement, il n'y a pas grand chose à en dire, à se mettre sous la dent pour alimenter le gout grand guignolesque des guerres - des idéologies, des grandes phrases. Que les gens n'en veulent pas - en général, ça ne se voit pas. Pour le savoir, il faut travailler ensemble - dans les mêmes cuisines, dans les mêmes jardins publics, dans les mêmes bureaux. Il faut aller dans les cafés - on on boit aux mêmes tables - ou la table d'à côté.
Le hamas, lui, il la veut, la guerre. Les pays arabes autour, ils l'ont voulu longtemps, on sent bien quand même, qu'en général, ils n'en veulent pas trop non plus, même si ça reste toujours pratique la présence de "l'ennemi sioniste" en cas de grondement social trop intense à l'intérieur de son propre pays. Mais en gros, ils s'en foutent aussi - d'où d'ailleurs l'abandon quasi total des palestiniens.
En Israël, on le sait bien. Les palestiniens, en général, le savent aussi : il n'y a pas le choix. Il n'y a pas de "solution" définitive - ils ne jeteront pas les "juifs à la mer", et non plus, il n'y aura pas de "nettoyage ethnique" contre les palestiniens. Oh ils peuvent toujours rêver à de telles solutions, quelques uns, d'un côté comme de l'autre. Mais sérieusement, non. Tout simplement, ça non plus ce n'est pas possible. Les juifs israéliens ne se laisseraient pas faire, et les palestiniens, même si ils sont beaucoup moins armés, bénéficieraient d'un soutien d'autres pays arabes ( et certainement autres qu'arabes ). Sans parler de morale - il est bien possible qu'elle ait sa part à jouer aussi : car si il y a des suprématistes d'Allah comme des suprématistes du Peuple Elu, eh bien ils font chier, tout simplement. Le Hamas fait chier sa population. Les néo-fachos juifs ont tué une chance de cohabitation en tuant Rabin. Et les valeurs morales, ça arrive aussi qu'elles fassent bouger des lignes, qu'elles soient efficaces.
Oui, Juifs et Arabes veulent vivre ensemble. Ils ne veulent pas de cette guerre civile. Ils ne veulent pas de lynchage, ni d'un côté ni de l'autre. Les solutions politiques - elles seront trouvés en leur temps, elles ne seront pas facile : mais elles naitront de ce désir fondamental : le refus de la guerre, le désir de vivre ensemble. Et certainement pas des proclamations de tel ou tel président américain ou européen.
Etre capable de le dire - précisément maintenant, dans ce cessez-le-feu - ça, ça me donne de l'espoir.
Là où il y a lutte, il y a espoir - dit la phrase en hébreu et en arabe sur la page du site en lien.
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