vendredi 28 octobre 2022

Suite pour une voix

 

 




Bonjour

bonjour 

bonsoir

ça y est 

c’est parti 

c’est bon 

ça recommence 

ça continue 


mots 

invasion 

encore 

et sur chacun 

chaque partie 

de mots

de mot

mot mot 

encore 

encore encore

encore toujours déjà 

toujours toujours tout le temps

paquets d’émotions de plus en plus 

ces trucs là

les émotions

dégoûtantes

dégoûtantes d’émotions 

sur chaque mot sans arrêt

( comme - )

( mais chutt ! Prudence 

avec les comme -

paix dans l’azur 

prudence silence 

avec les comme )


aujourd’hui même 

chaque mot

déguisé 

en nom propre

( ou bien l’inverse :

les noms propre 

qui font semblant 

d’être très très commun 

irréprochablement 

commun )


ça fait une de ces foules dis donc 

des foules de masques

biologiquement 

s’en foutent 

de mes humeurs 

fatigue ou enthousiasme

pourtant

pourtant moi

je suis un

handicapé

un peu de respect

je vous prie 

un peu 

d’attention

je vous dis que 

je souffre 

d’une inflammation chronique 

au langage


braillent les masques 

je veux je veux je veux 

fais de moi je veux 

un personnage 

maintenant et partout 

pour toujours 

ou bien meurs


est-ce que je sais faire ça moi, 

je gémis 

mais ils s’en foutent

par pitié 

taisez-vous 

hors de moi

non je ne sais pas je ne sais pas

parler 

la langue la française 

elle m’aromate tout vif

me bandelette 

me goudronne 

me vide organes 

mais chaque mot personne personage lieu forme histoire intrigue 

m’embraille 

moi je sais moi je sais 

ils disent tous

( c’est ça

ils disent ça 

tout le temps )


ce qui fait que 

pratiquement 

je me demande

je demande à vous 

qui vous tenez 

là 

de l’autre côté

derrière l’éblouissant 

le merveilleux 

voile tissé 

dans les fils de lumière 

par chaînes et trames 

navettes enchantées 

de la Fée

( elle habite dans une bulle d’aurore

se vêt d’une pelure de cristal de roche 

ointe d’un etcétéra de lilas fané

des papillons font sa coiffe fraiche

les clochettes la salue

et par les yeux des écureuils rapides

est aimée )


vous

je ne vous vois pas 

n’est ce pas 

derrière ça 

mais je sais 

je sais 

que vous êtes là 

je vous entends 

respirer 

ou vous racler

les peaux des gorges 

je vous demande

devrais je 

ne plus parler du tout dans cette langue 

genre 

vœu de silence 

ou alors retrouver un brin 

de vie sociale

( après tout qui est plus sociable que moi ! )

la dilection des contrariétés des paroles civiles


je me demande

comme si le choix m’avait jamais appartenu !


( ce matin l’arbre devant la gare 

ses oranges ses élans ses flammes vertes 

ses flammes rousses 

ils criaient à moi dis nous dis nous dis nous 

et moi oh lâchez moi foules amours 

teintes et rumeurs je te prends en photo 

ça ira comme ça ?

non, lâche, minable dis nous dis nous dis nous

tout de suite maintenant )

( ou bien )

( meurs )

( et puis )


eh bien comme le temps passe !

si tard déjà 

je ne vais pas vous 

retenir 

plus longtemps 

merci pour votre attention 

nous avons passé 

une excellente soirée 

vraiment 

je vous remercie 

hélas 

il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte 

je vous souhaite 

une excellente suite 

une excellente nuit




( mg.  op 27102022 )

 

 

 Bonjour

on reprend

autre chose 

entre deux 

vous et moi 

la pause d’avant 

la pause d’après


parce que voilà

j’ai étudié 

la qualité de votre silence 

cette nuit 

( nous sommes en octobre 2022 )

et pour tout dire 

j’étais couché sur mon futon 


or quand je dors seul 

j’aime une moitié de corps 

en extension 

et je remonte une jambe très haut 

presque genou au menton 

quand je dors seul 

mais je préfère dormir 

dans l’odeur d’une femme

c’est tout à fait extraordinaire 

de dormir 

à deux 

le corps s’emplit doucement 

d’un autre soi

imperceptiblement 

imperceptiblement 


ceux qui affirment que le sommeil 

est une sorte de petite mort 

il faut vraiment être un homme célibataire 

pour dire des choses comme ça 

c’est idiot 

une femme ne dirait pas

ça 

même dormant seule

elle aussi pourtant mais 

il me semble que les ravages 

du dormir seul 

établissent bien plus lentement 

un

irrémédiable chaos

désolation !  l’horreur ! l’horreur !

chez une femme que chez un homme

elle verra pas ça venir 

tandis qu’un homme 

il hurle 

passe la nuit 

à retenir 

à empêcher 

sa verge coupée 

de basculer 

par dessus le parapet 

dans l’eau sombre et glacée

et foutre le camp 

à la nage 


et toute la journée ensuite

le charmant trot des heures

il l’occupe,

l’homme,

à rechercher le membre perdu


( les hommes qui dorment seuls )


tandis qu’une femme ne perd rien

à dormir seule 

des mois des ans

elle ne sait pas 

elle ne saura jamais

quelle épouvante ça lui monte 

dans l’âme lentement 

de n’être pas 

incomplète


Koulou koulou koulou

Koulou koulou 


j’ai donc analysé la qualité 

de votre silence 

tout à l’heure

disais-je 


or pour tout dire 

j’étais couché sur mon futon 


quand je dors seul

la nuit 

j’aime une moitié de corps 

en extension 

et je remonte une jambe très haut 

presque genou au menton 


mais j’aime mieux dormir 

côte à côte contre ma femme 

( quand j’ai une femme

pas n’importe 

laquelle 

une femme pour qui 

je suis son homme )


je trouve c’est extraordinaire 

de dormir 

à deux 


le corps se vide lentement 

imperceptiblement 

imperceptiblement

de soi même 

ce qu’il ne peut pas du tout 

parvenir à faire 

lorsque il dort seul


certains affirment que le sommeil 

est une sorte de petite mort

eh bien c’est tout à fait juste 

je trouve 


cela confirme vraiment

que la nuit 

tous les hommes 

hommes et femmes 

s’envolent 

jusqu’à 

la Chine 


hun vêtu de la soie des vers laborieux 

teintée par le sang bleu des cochenilles

emporté par dessus les haies de thuyas 

plane jusqu’aux pagodes écarlates 

sous la lune jaune et pudique 

pendant qu’ici po froidit en attendant 

l’éclosion aux cieux de la nouvelle pâquerette


comment parmi toutes les pelotes des esprits assoupis 

hun retrouverait-il son chemin vers l’Occident lointain 

sinon en suivant le fil du souffle

de ma compagne endormie près de ma glaise ? 

Où irait l’esprit de ma compagne endormie 

parmi tant de pelotes des esprits assoupis

si ce n’est dans son corps près du mien endormi ? 


ma femme 

maintenant qu’elle dort 

toute seule 

toute seule 

pour toujours 

qu’elle dorme toute seule 

pour toujours !


elle dort toute serrée 

enroulée sur elle même 

c’est pas du tout la même chose 

que le sommeil viril 

d’un homme 

voyez vous 

elle retourne à l’état de fœtus 

toute seule 

pour toujours 


elle a pas vu  ça venir

la solitude qui lui rentre 

dans les os

elle n’est même plus née 


franchement

c’est nul les arabes les courtois 

eux, ils se châtrent exprès

elles, elles s’enthousiasment 

à se frustrer 

par pur conformisme social 

notez bien

après

ils cherchent le graal

c’est forcé


elles les voilà 

muses 

encore un harem 

elles l’écrivent même pas

la poésie qu’elles inspirent 

soit disant

et c’est bien ensemble 

qu’ils veulent en faire 

une norme sociale ! 


eh eh

tant pis pour toi

t’avais qu’à pas

partir

soit dit en passant 

sans rancune


maintenant tu cherches tes mots

en vain

tu veux partir jusqu’à 

la Chine

en vain chaque

nuit seule 

tu te retrouves à nager 

en harem

au harem de personne

t’aurais pas du

faire ça 


et toute la journée ensuite

il l’occupe,

l’homme,

à rechercher sa verge perdue

dans les eaux sombres et froides

à la nage 


et elle toute sa vie ensuite

elle ne saura

plus jamais 

quelle sécheresse

comme un parfum 

d’Arabie

dans l’âme 

lui est venue 

à se croire complète 

toujours 

toujours 

jusqu’à la fin du monde 


oh mais déjà si tard 

et je n’ai même pas eu le temps 

de commencer 

déjà il va falloir 

nous déprendre 

mes amis 

pour ce soir 


allons 

chacun vers son sort

qu’il soit bon ou mauvais 

cela ne dépend pas seulement 

de nous 


je vous souhaite une excellente soirée 

une très bonne nuit 


( mg. op 28102022-1 )



Bonjour 

nous revoilà déjà 

bienvenu 


vous avez remarqué ?

j’ai dit la Chine

l’Arabie

et non pas 

en chine

où je ne sais pas 

en arabie saoudite 

aux émirats arabes 


ce sont des terres imaginaires

moi aussi 

je suis l’imaginaire 


toi aussi 

tu es l’imaginaire 

je te dis tu 

à toi 

lecteur 

qui lit ces 

mots mots mots 

maintenant 


ou qui les entend 

peut-être 

comme j’aimerais 

qu’ils le soient 

par la bouche

de quelque comédien 


sera-t-il assis 

sur une chaise 

toute simple 

de bois et de paille 

ou bien choisira-t-il 

de palier par la richesse 

de son corps expressif 

à la pauvreté de notre discours indigent ?


mais de grâce 

n’étouffez pas

d’artifices d’argent 

la présence d’une parole 

qui se cherche 

dans l’obscurité d’une chambre

comme la flamme d’une bougie 

vacillante mais noble

par les textures bienfaisantes des choses 

dans le double miroir de nos yeux

emplis de remuantes pénombres 


que de la rencontre 

de vos arts

toi qui parle toi qui écoute

l’artifice soit seulement pour porter 

sa lumière 

et non pour se montrer brillant

que dis je porter la lumière ?

non, mais bien inventer 

le chant nouveau d’une

nouvelle lumière -

tiens ! disons qu’elle serait

celle salée d’une étoile

certaine


à ce prix seulement

du sacrifice momentané 

des plaisirs de la vanité 

nous parviendrons entre nous 

peut-être ici même maintenant

à repeupler l’espace vide 

de notre scène 

de notre vie


de tout ce que nous saurons 

capable d’imaginer 

entre deux souffles 

deux nuits 

pour enchâsser

demain et demain de demain 

livrés aux rumeurs et fureurs


il serait temps vraiment 

de repeupler 

ensemble 

l’étroite scène 

du bref théâtre de notre temps 


avant que ne dénouent nos ombres chères 

leurs rires et leurs étreintes 

dans l’impitoyable clarté 



( mg op 28102022-2 )





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