Vous savez - je ne suis pas très doué en mondanités.
Et puis je distingue - non sans passion - mon écriture, de ma vie, ma vie réelle s'entend, c'est à dire, au fond, la seule. Je veux livrer l'une, quant à l'autre, elle ne concerne que moi et mes amis.
Ici, je ne sais pas ce que c'est. Je suis tombé, comme tout le monde, dans la diffusion internetique - sans jamais en être heureux - à part quelques très brèves périodes, de l'ordre de un ou deux mois.
Pour l'écriture, pour ce monde qui s'occupe d'en publier, de la vendre - je les ai rencontré finalement. J'ai rencontré des gens qui l'aiment, l'écriture, qui la défendent - vraiment. Mais je dois dire aussi que je n'ai rien compris aux codes - c'est assez habituel en ce qui me concerne - il doit y avoir quelque chose de non-cablé à je ne sais quel étage de mon cerveau. Sérieusement !
En ce qui concerne l'affaire de la publication - j'ai rêvé qu'un éditeur s'en charge - une fois pour toute si possible, de manière à ce que je n'ai plus, moi, à m'en occuper. J'ai fini par comprendre que c'est, au fond, parce que ça ne m'intéresse pas, et si ça ne m'intéresse pas, c'est parce que je n'y comprends rien. Je n'ai jamais souhaité de célebrité, de notorieté - à chaque fois que ça a pointé le nez, ça, ça m'a horrifié. Et oui, ça m'est arrivé plusieurs fois, pas seulement dans le champs de l'écriture.
Evidement, ça, c'est quand je ne savais pas encore que publier un auteur, c'est bien autre chose que ce que je croyais : donner à lire à autrui ce qu'on aime d'une manière ou d'une autre. Ce n'est pas ça, la publication, c'est - peut-être pas avant tout, mais tout de même beaucoup - aussi une entreprise complexe de jeux de pouvoirs, d'entretien les uns par les autres de l'indispensable narcissisme ( et en cela, je trouve que c'est un biais bien compliqué, et bien dommageable aussi, pour soi et pour les écritues aussi, d'en passer par ce chemin là ).
Je ne parle pour ainsi dire jamais d'écriture. J'ai fini par me dire, ayant découvert ce que sont les artistes, que je n'en suis certainement pas un. Je vis en écrivant, c'est comme ça, c'est ma façon de vivre. De cela ne découle... pas grand chose. Les artistes que j'ai rencontré attachent une grande importance à leur activité - à ce qu'ils font. Moi aussi, ai-je compris, mais pas de la même façon. Il y a erreur. De temps en temps, on me parlait de "doute". De doute sur sa capacité à écrire, je suppose, sur la qualité de ses écrits. En ce qui me concerne, la question ne se pose pas. On me parle de doute, et je me dis : ben... est-ce qu'il peut y avoir autre chose ? Au fond, je ne comprends pas. Je ne sais pas si je doute ou pas. Je doute tout le temps, et puis je ne doute jamais. Je me souviens de lorsque je tapais la tête contre le mur, réellement, qu'une fièvre me prenait d'un seul coup, parce que je trouvais absolument nul ce que j'avais écrit la veille. Et puis j'ai arrêté, par un acte de volonté, une décision. Je trouvais que c'était de l'énergie gaspillée, de l'energie que je pouvais bien mieux placer dans l'écriture. Et donc, depuis ( et j'étais au lycée ), eh bien je ne sais pas. Je me demande : un ouvrier, est-ce qu'il doute ? Un agriculteur, un balayeur, est-ce qu'il doute ? Qu'est-ce que ça veut dire, ça ? Donc, bien sûr, j'ai quelques points communs avec les artistes, c'est le fait que j'écrive, et que j'ai envie de donner à lire ce que j'écris. En cela, oui, on peut bien dire que je suis un artiste. Mais ça s'arrête là : je ne parviens pas, par exemple, à supposer la moindre légitimité à ce désir d'être lu. Je ne trouve pas du tout normal d'être si peu lu ! Mais je ne parviens pas non plus à éprouver de la légitimité à ce désir. Pas plus, je crois, que je trouverais légitime de clamer le fait, je ne sais pas, d'être roux. Roux ? Et alors ? ( Je sais bien que ce n'est pas exactement la même chose : j'essaye de dire, j'essaye, ce n'est pas si facile. )
Je ne sais pas ce que je fais ici. A quoi ça sert. Je ne m'intéresse, à part tout le reste, qu'aux relations humaines. Je n'y suis pas si mauvais, pour autant que je sache. Mais ça n'a rien à voir, rien, avec ce que les gens supposent d'écrire, d'art, tout ça. Ca fait une drôle de situation : ma vie, elle passe vraiment par une pratique constante de l'écriture, mais ceux que je connais n'en savent quasiment rien. Je ne me cache pas non plus : c'est juste que, peut-être ce serait comme se balader plus nu que nu, dans la vie quotidienne, vous voyez ? Bon, j'accepte, pas trop le choix, cette contradiction au centre de ma vie : d'être très discret, dans ma vie, sur ce qui constitue quelque chose d'essentiel dans ma vie. Mais là encore - est-ce que ce n'est pas pareil pour chacun ? Ecriture ou pas ? Art ou pas ? Qui s'ouvrirait le ventre et poserait ses intestins sur une table de bistrot ?
Je fais quoi, ici ? Pour moi, que les textes se retrouvent en objet dans le monde - sous forme donc, de livre - c'est essentiel. C'est comme - pour un acteur, à un moment donné, de jouer devant un public. Pour un balayeur, d'offrir, à un moment donné, un espace propre. C'est une affaire d'ordre, de mesure, c'est à dire de justice.
Ici, ce n'est pas un objet. Et non seulement ça, mais en ce qui me concerne maintenant, c'est une régression.
Donc, vraiment je ne sais pas. Il y a que ça prend du temps, aussi, vous savez ! Et donc à quoi ça peut bien servir, ça ?
Je crois bien que je suis en train de vous dire envoir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire