vendredi 12 février 2021

dormir sous la neige...

  (…)

  entre la douleur et la douleur
je m'exerçais à marcher droit-devant
sauter les haies chuter du haut des falaises

que rien ne t'arrête o mon corps étonné
je m'aspergeais d'eau froide

la nuque et le ventre
j'offrais aux oiseaux les restes de mon riz

les villageois riaient de mes pieds nus
et moi je riais d'eux et de moi-même aussi


même j'ai marché alors sur la bordure des feuilles
et même une fois ! foulé un nuage des pieds

et même une fois foulé un nuage des pieds


 
 
comment accepter que rien ne demeure
de tout ce que j'ai vu et fait
mais je viens de recevoir un méchant éclat de fer
de clou rouillé

quelque part là, entre la nuque et l'épaule,

justement là où j'aimais caresser la tienne,

dans le creux que ça fait quand tu t'enfonçais

sous la tendresse de tes aisselles pour t'endormir

il y avait ce creux entre ta nuque et ton épaule

où mes doigts d'abord venaient s'engourdir

puis mon regard s'y laissait embrumer
 
 
seulement souvenirs et douleurs
paroles ressassées

souvenirs, formules

paroles épitaphiques images séchées

comme mon sang coule

comme des papillons entre les feuilles soyeuses d'un herbier

comment accepter
 
me voici replié dans ma poitrine
qui crie pour quelque chose vers en dedans

ferme là o ma poitrine

la mort viendra

je ne veux pas de tes secrets confits

je veux m'abrutir de sensations crues

chevauchées

malheur sur toi ! toi qui fait suivre je veux

de comment pourrais-je

ferme-la

crève

crève
 
bizarre je me croyais différent
 
vivant
( me ferais-je une soupe de rouille de clous

pour fortifier de fer l'anémie de

mais je n'ai pas d'enfants à sauver

de l'ennemi qui rôde dans la nuit )


mais voici je prends le pouls du temps qui me reste

je ratisse comme des pâtés de sable

les demeures de mes vies

n'ai-je pas déjà été vieux assez


et si

alors je serais jeune encore

pour la première fois

ah comme j'essayais de me convaincre


la mort vient, environnée de silence

comme une dernière combinaison du penser


ça sera peut-être une pensée tragique

une formule idiote comme un slogan

une plaisanterie fine

ou une élégante dérobade

d'humour un peu cynique

et vain


suis-je mort, moi qui écrit ceci

et vous mes pensées êtes-vous de mort messagères

ou quoi


c'est que le monde est cruel

c'est que c'est le fautif

c'est que la vie et que le sort

et que l'etcetera

etcetera etcetera etcetera


comment accepter que rien ne demeure de

tout

que des paroles fondues

n'aurais-je rien ajouté

qu'à la sempiternelle rengaine des défaits ?

Qui ? Où ? Pourquoi nous ont-ils définis le mourir ?

-- qu'on meure d'approximation, c'est un mensonge

et encore moins expiation, propitiation:
réglé comme un texte de théâtre, la vie
au goût d'un tyran impersonnel,

au dernier acte, ils saluent, les acteurs, un à un,

et retournent où retournent les ombres.

o où donc en toi s'infiltra le poison. 
 

 

( le texte intégral de ce poème peut se trouver ici : https://editionslebrechet.blogspot.com/p/revue.html

entre autres textes plus ou moins bien famés et poèmes divers de diverses époques... )
 

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