dimanche 12 juillet 2020

Théatre Constant 1.6

 

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comme je déambulais dans la ville étrangère

or toutes les villes sont étrangères sont composées
pour approcher tant l'homme de l'homme
qu'il lui faut de soi devenir l'étranger
je n'étais plus assez rapide
devenu sous-traitant d'une pensée produite

Que sont-ils les déambulants à inventer dans l'espace les pistes du rêve
contre les signes en frappant du front et des poings les vitrines

mais pistes-bessueilles seulement, l'hélas du rêve-de-tous
pauvre rêve levé à courre à cors et couru, acculé
pantelant, à la fourche étroite au delta du sommeil
là, encagé, condamné à tenir le registre des transactions ratées des journées
lui dont la puissance était fondé
rumine de confuses vengeances et va et vient dans ses barreaux fermés
grondant parfois jusqu'au dehors de sa geôle nocturne

pris pour commencer
levé avec le précédent
le doigt qui divise également
tous les doigts levés exceptés un
l'entaillé
un autre ajouté à ce qui est déjà compté
deux amenés et levés avec le reste
trois amenés et levés avec le reste
tous, exceptés un, levés avec le reste
tous les doigts
tous les doigts et un de plus levé

tête coupée placée en greffier d'un théâtre châtré

Que sont-ils à inventer dans l'espace les pistes du rêve
ils portent leur fragment de rêve comme un moignon vivide
honte et jalousie, rage, douleur et nostalgie de n'être pas
au lieu de l'homme assis derrière le voile d'eau dure du café

contre les signes en frappant du front et des poings les vitrines
comme l'errant fragile des grands-routes aux portes des maisons
toque à la paroi de la mémoire du pain trempé des draps et du partage

afin qu'il sache désirer, lui qui les regarde passer, être à leur place
 
mais il ne comprends plus la signification de ces murmures
qui lui parviennent comme les imprécations d'une langue inconnue et lointaine
l'autre côté du signe est enterré au-d'là du grand sommeil

se souvient-il il se souvient de quelque chose qui fut très oublié
ailleurs que dans un temps passé
or toutes les villes sont étrangères sont composées

et quand bien même ils cherchent pour trouver autrement
ignorant ce qu'ils font, assignés à devenir légende
quand ils sont dénués à s'en réjouir
du regard de connivence lancé entre vous méconnus
qui les dit malade et paria et nef des fous aux bonnets aux hochets grêles
clochetants creux,tintinants dans les doigts de nos longs regards courbes
d'une table à l'autre par dessus le golfe des travées
ils inventent dans l'espace les pistes du rêve
contre les signes en frappant du front et des poings les vitrines
si acharnés à leur lutte qu'à y voir de ces accords
les nôtres sont passementeries et franges et lasses
craintives paresses d'embusqués dont plus ils ne sauraient rêver

mais pistes-bessueilles seulement, l'hélas du rêve-de-tous
condamné à tenir le registre des transactions échouées des journées
tête coupée placée en greffier d'un théâtre châtré

que sont-ils ils dessinent ils déambulent de leur corps
dans l'espace les traces d'une carte
ils décrivent des migrations et des guerres à venir
contre les signes en frappant du front et des poings les vitrines

comme je déambulais dans la ville étrangère
je luttais moi aussi sauvagement contre la bête
en ce temps-là j'avais 16 ans j'étais dans le premier de mes déplois
joyau au front d'Evolution, fort, joyeux et assassin
créature de signe et de sens
je chantonnais:

l'homme est un animal intelligent
différent de conscience et doué de parole, de bien et de mal

je riais:
c'est fini ! je ne serais plus votre singe savant
je ne serais plus l'enfant intelligent aux pommettes trop pâles
ah ! cette première nuit dans la petite chambre du premier hôtel
où j'ai dormi du sommeil profond et léger du nouveau-né

je déambulais je n'étais plus assez rapide
devenu sous-traitant d'une pensée produite
je faisais eau de pensées de toute part
fuyant par tous les bords
percé
terrain conqui, envahi et brûlé
confondu avec les palissades des terrains
vagues
j'arpentais de bien rudes trottoirs de vastes solitudes
si prude que je ne craignais pas de pleurer
en passant sur les ponts dont les arches rédigeaient le jugement de dieu
et j'avais 16 ou dix-sept ans

(...)

1 commentaire:

  1. ... malgré la parenthèse trois points parenthèse, ce texte, le sixième de la première "Maison" de mon "Théatre Constant" est bien ici intégralement.
    Le Théatre Constant est une promenade: il y a des chemins qui s'arrêtent, et qu'on reprendra éventuellement plus tard à un autre moment, ou bien dont on retrouvera des signes, similaires, ailleurs. C'est le cas ici: le tout début de la deuxième Maison du Théatre Constant ( les " Thèses Inconnues" ) reprend ces " 16 ou dix-sept ans, sous un autre angle.

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