lundi 1 juin 2015

où s'en va cette pensée





I


où s'en va cette pensée, elle va comme un galop boiteux, dénoué
à petits pas de rate gravide d'une poignée de ratons roses,
ils rongeront, entrelacés dès la naissance, le lait d'angoisse,
et moi, les hautes montagnes tapissées de neiges spirituelles —

car si je me tiens tout contre l'épouvantable mendiant baveux
sous la côte enragée du supermarché, quand il pleut froid,
face au manequin dont Casanova s'éprend —
accompagné, puis délaissé, au camp de base, par les costumes aux doigts si fins
comme les pattes incroyables des araignées d'eau —
un même souffle nous rive au port commun: l'eau languide balance les barques.
Reins adossés aux planches rougeâtres,
sur les ponts les mangeurs tirent leurs verres,
les ponts zébrés de fils d'acier.

Le premier souffle nous ligote et le second - le second délie,
en lui je me dresse, pieds-joints dans la tourbe noireaude —
Aux moyeux s'emportent dépouilles et rubis
et les brâmes et les feulements des adolescents
ivres-morts sur les quais —
Lentement, en tournant, en planant
gravit la pulsation opiniatre des passions
depuis les profondeurs inframarines
jusqu'aux esquisses des gibets, l'eau tremblante.



II

où s'en va cette pensée, elle va comme un galop boiteux —
Folle du roi ou Reine des mesures discrètes, la Sagesse,
cul par dessus tête, grelots, colifichets, sceptres et marottes,
abdique...  Toutes prérogatives ! La fête est fraiche,
mais elle au bois dormant s'est éveillée
- on aime assez la barbe de Marx
et celle de Friedrich Engels pas mal aussi,
mais la barbichette de Trotsky est douteuse, vraiment, et pas un poil au menton
du président Mao !  -
de son lourd sommeil dogmatique,
soudain par le magique geste magistral
d'un histrion au doigts jaunis de nicotine:
quand il a extirpé de la manche de sa vareuse une petite poule
chaperonnée d'un capuchon de plastique transparent !
L'animal, tout ridé et tout nu, s'est enfui aussitôt...
en gigotant ses moignons d'ailes comme un grand orateur,
vers les bornes du quai, tandis qu'à deux brasses de là
les lampions pendent, accordéons rapiécés —

ils filent rapides comme des épingles sur l'eau
swinguant à cause du clapot - autour des coques.


III


De leur brouillard de pétoncles grillés, ils trinquent —
ils penchent ! les baves sèchent sur les lattes du pont;
dans le vent, les violons d'un orchestre,
un orchestre minuscule, un orchestre de lutins, mille ans !
Comme: - moi aussi, je veux être embrassée !
Puis: - ma culotte ! rend ma - culotte !
Et encore: - C'est la bouche d'un bonhomme que je veux !
ou le tintement essentiel du triangle sous l'orchestre à la fin de la 9ième —

Ils projettent sur les faces des mangeurs
des écrans de couleur là où leurs yeux s'ouvraient:
âmes sans face, formes sans formes...Golem in a nuts...


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